3 Musées… ouverts
au-delà des limites du possible ?

Un projet de loi de Finances 2015 au Conseil des ministres (mercredi 1er octobre) par Michel Sapin, et voici que  la Ministre de la culture, de la communication et du numérique, Fleur Pellerin, annonce l’ouverture des trois plus grands musées de France « 7jours/7 ». Mesure qui « n’entrera en vigueur qu’après des négociations avec les salariés », précise-t-on.  Or, comme un premier ballon d’essai (fin juillet 2014), l’avènement détonnant avait déjà été ébruité par la précédente ministre, Aurélie Filippetti.

Certes, par mission élémentaire du Ministère, la rue de Valois se soucie « d’améliorer l’accueil du public et de renforcer l’accessibilité des œuvres », mais aussi, de mieux gérer les capacités économiques des trois grandes machines du patrimoine français. Car des ‘impératifs’ comptables ont déjà largement escamoté les subventions de l’Etat ces dernières années  – au nom de leur statut d’établissements publics à caractère administratif (EPA) qui leur confère une certaine autonomie financière. Par exemple, en 2013, le musée d’Orsay  s’est autofinancé à hauteur de 35,71M€ ; les subventions de fonctionnement reçus étant de 28M€. Or, selon le projet, les 52 jours d’ouverture supplémentaire émargeront aux budgets des recettes propres des établissements…

Par là même, à l’annonce de ces futurs 362 jours d’ouverture par an pour :  Le Louvre, Versailles,  et Orsay, tous les médias se sont appuyés sur des chiffres record d’entrée ;  proclamation d’une reconquête des hauts lieux patrimoniaux, principalement par le tourisme, respectivement à :  9,2 millions, 7 millions et 3,5 millions de visiteurs en 2013. Données chiffrées générales… – et vraie expression  d’un quantitatif !

Socle d’un certain succès officiel au musée ?  L’inéluctable de la ‘société du spectacle’ fut mise en place  (besoin démocratique dans la ligne de François Mitterrand ?) ;  en fait, spectacularisation qui s’est renforcée selon l’idée a priori pertinente de Jacques Sallois, Directeur des musées de France sous Jacques Lang (de 1990 à 1994), « d’un gisement culturel à exploiter » !

 

Tout jeune peintre et dessinateur, étudiant devant les œuvres, j’ai vécu de l’intérieur, avec espoir, naïvement même, l’époque de la construction de la Pyramide du Louvre…

Chacun constatait le phénomène des files d’attente de la cour Napoléon qui se répercutaient parfois jusque dans les salles d’exposition du Louvre.

C’est alors que les fonctionnaires d’autorité de l’administration se soucièrent de la ‘fluidité du trafic’ comme étant l’élément prioritaire au musée. Les regardeurs, les contemplateurs ou les copistes ‘stationnant’ dans les salles furent alors considérés tels des perturbateurs dans les flux nouveaux, voire même  – en éléments dangereux pour la sauvegarde des œuvres !…

Mais, avec un peu plus de mise en perspective sur l’histoire… ou de reconnaissance… n’étions-nous plus ou pas, au musée du Louvre, au domaine superbe  du qualitatif ?

 

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Regard sur le pavillon Richelieu, ancienne entrée du Ministère des Finances ‘avant’ la Pyramide du musée du Louvre

Admettons que la remise en cause du traditionnel jour de fermeture dans les trois plus grands établissements du patrimoine français s’inscrive dans la volonté actuelle d’une meilleure articulation temporelle entre quantitatif et qualitatif ;  mais à présent, question subsidiaire :  à quelle fin véritable ce projet de réforme ? Temps d’ouverture par pensée comptable, loisir, ou mission ?

« Rendre accessible les œuvres capitales de l’humanité… » est l’essentiel ;  et l’une des vocations encore principales d’un Ministère de la Culture !

Or voici que le ‘diamant de lumière’ de la pyramide de Pei, voulue avec opiniâtreté par un Président socialiste, fait figure de petite carte postale lorsque les files d’attente de la gratuité des premiers dimanches du mois, par exemple, stagnent  – comme un boa processionnaire –  de St Germain L’Auxerrois… à La Joconde…

 

Sur de tels records de fréquentation, comment ne pas s’interroger autrement qu’en terme de fluidité du trafic… donc aussi selon tous les  ‘etc.’ (approche plus complexe) ?  Donc, en termes de plus  large,  plus  long et plus haut des diverses sécurités ;  c’est-à-dire selon l’impératif de la bonne transmission d’un patrimoine artistique (qui est résistance fragile à l’usure du monde).  D’abord par précaution pour les œuvres ;  ensuite pour les qualités du bien-être sensible :

l’Art et son écrin de conservation (lieu d’éveil par résonance) qui requière plus que les lois du marché et de la consommation :  respect, courtoisie et civilité, temps de partage  – principes même des nécessités du gardiennage…

Pour un bon usage des choses et des êtres, toute civilisation ou culture humaine se doit, vis-à-vis de l’Art, à une approche respectueuse de la rareté dont il est par nature constitutif.

J’affirme que les besoins d’accessibilité actuelle sont déjà louches…  (Ce sera le développement d’un prochain billet du blog.)

Il faut « désengorger » dit-on !  Vous voyez bien que ça se fait à l’étranger !

Or, quoiqu’il en soit, démocratiquement ou pas, pourquoi ouvrir au delà des possibles ;  ne serait-ce pas « tuer la poule aux œufs d’or » ?

Peut-être parle-t-on d’ouvertures supplémentaires dans une logique de Marché ? Comme si la temporalité particulière de la transmission des affaires culturelles se devait à nos pratiques touristiques…

Observons donc avec quelle ‘innocence’ les fameuses ruées vers l’art  ont été martelées au musée (!)

à suivre…

Buis, regain estival

De l’inouï en France et à Paris ? Sans doute voici l’une des surprises, heureuse, de la rentrée :

Souvent mortellement ravagés avant l’été, des regains verts apparaissent sur bon nombre de nos Buxus

Suite aux fortes averses récurrentes de 2014, une certaine renaissance s’est mise en place durant le calme de cet été. Verdure et vie qui résonnent en nous comme un air décalé !? Témoignage d’espoir qui déchire une logique ordinaire… Mélodie et chant, tel : « D’un arbre séculaire Du vieux tronc d’Isaïe, Durant l’hiver austère Un frais rameau jaillit ; » (mélodie aujourd'hui dans la forme de Praetorius ; l'original est de Cologne 1599)

Les conditions climatiques de juillet/août ont évité une dissémination des pyrales ravageues, ici à peine installées ! La résistance vaut donc encore ; elle est possible si l’on observe et repère attentivement les quelques foyers résiduels (souvent des boules de buis sous abri).

Vous qui avez des plantes domestiques de buis, soyez responsables avant de nouvelles attaques bien plus lourdes en conséquences ; gestes simples de sauvegarde...

Pyrale : présence du papillon à Paris

Cydalima perspectalis -femelle- (Walker, 1859), syn. Diaphania (Diaphana perspectalis) est l’hétérocère de la Pyrale du buis ;  ce papillon dit ‘nocturne’ est originaire d’Asie orientale (Chine, Corée, Japon, etc.). Les exemplaires 2014 de la seconde génération parisienne (captés à mon atelier) sont d’une envergure de plus de 34mm, sur des corps robustes de 15 à 18mm. Seul l’abdomen diffère légèrement en taille, et à l’extrémité, entre mâle et femelle. Le papillon vit environ quatre jours pour sa reproduction et la ponte…

Selon mes observations, de jour cet insecte a un vol direct et bas (je l’ai vu se reposer à terre !). Dans un demi sommeil il demeure en alerte… puis s’ébat de la soirée au matin. Faute de filet à papillon… (souvent chaque femelle est porteuse de plus de deux cents œufs  – formidable exponentiel de ravage pour les buis !)  une ‘simple’ tapette à mouche ou une raquette peuvent faire l’affaire.

Cydalima perspectalis est joliment  diaphane… Posé sous les feuilles, il est à peine visible (grâce à sa géométrie d’hétérocère) ;  ne le dirait-on pas d’un dessin delta, beau comme ‘les avirons de la mort’ ?

Mais… par ailleurs, un spectacle est à recommander aux angoissés de notre Société.

Dans les espaces verts de Paris, certains buis, parfois ravagés ou défoliés comme jamais, se parent à présent d’une superbe régénération verte ;  dépassant forces blocages idéologiques, dans plusieurs parcs, les Buxus sempervirens ont été traités (à bon escient !). Geste de civilisation, nos buis sont-ils en passe d’être soignés ?

En date du 21 mai 2014, le Cabinet compétent de la Ville de Paris m’informe, par son conseiller :

« Madame la Maire, très attentive à votre courrier (cf. billet précédent), m’a chargé de le transmettre à la Direction des Espaces Vert et de l’Environnement de la Ville de Paris, afin qu’elle puisse l’examiner avec soin. »

Aussi, afin de m’émerveiller des dernières splendeurs esthétiques d’un vaste espace d’iris ;  de goûter la présence des pivoines ;  et de humer les premières roses de Paris, je suis allé au  jardin de Bagatelle.  Pour la plupart les Buxus sempervirens y ont retrouvé leurs belles et ardentes couleurs… d’un vert sacré  – leur unité diverse et sculpturale de végétal finement travaillé.

Sous bonne garde et observation, il n'y a eu en ce parc que de "simples" défoliations, mais pas d’atteinte en profondeur de l’écorce verte des branches.

Dans la domestication humaine des jardins c’est une première !  Un événement pour les buis et dans nos vies…

Mais il vaudrait peut-être mieux ne pas avoir à s’interroger si,  de tels végétaux  – calmes et lents –  pourront supporter encore pareilles attaques. Il serait encore utopique d’attendre qu’un prédateur naturel assume la responsabilité humaine !

Observation, vigilance, information et prévention sont devenues nécessaires compte tenu des avancée de la fameuse Pyrale.

Après avoir été reçu le 17 mai, par l’Adjointe au Maire du 15e, chargée des espaces verts, de la nature et de la préservation de la biodiversité – Alertés –  les responsables politiques de la mandature ont ouvert un dossier de préoccupations graves (parmi d’autres !).

Or, dans un tout autre temps naturel que celui du Temps administratif, simultanément, les larves ont poursuivi leur travail systématique de gourmandise sur les buis du voisinage (sur les voies publiques et privées) ;  elles se sont mises en nymphose ;  puis se sont métamorphosées en papillons,  et... 

Voici ce qu’il en est dans les bocaux d’observation d’un artiste visuel :

Devenue larve de 33mm, suite à l’étape de jeûne et après plus d’un mois de nuisances, la pyrale s’est suspendue.  Ici, c’est le second stade de la nymphose où l’on voit (hors de leurs voiles de soie) que la ‘tête noire’ de la pyrale s’est détachée, la métamorphose s’opère selon un tête à queue... La chrysalide mesure alors 21mm. Les ailes du futur papillon vont se former de bas en haut.

Après 12 à 15 jours de mutation et d’oubli en chrysalide, c’est l’événement. D’un coup au petit matin, tête en bas, le papillon diaphane s’expulse et s’envole…  laissant derrière lui, telle une douille, l’enveloppe de sa mue (de 16mm).

Dans mon dernier billet, je le craignais déjà. Les estimations des sites de référence paraissent avoir sous-évalué la temporalité relative du cycle.  J’observe par exemple que c’est en dizaine de jours et non en « environ un mois » que dure la nymphose sous nos climats. Fin mars 2014, j’avais déjà capté un papillon…  C’est pourquoi les cycles de dévastations, puis de progressions géographiques seront peut-être au nombre de quatre cette année.

Après des essais d’acclimatation sur d’autres végétaux, dont l’olivier, je n’ai personnellement que peu d’éléments sur l’éclosion des œufs sur ce végétal… (rumeur mise en lien, précédemment).

Le péril symptomatique… et l’implantation de cette Pyrale du buis sont-ils mieux traités en Suisse qu’en France ?  En Belgique ou au Pays-Bas, leader en pratiques horticoles ?  Après l’article scientifique de Genève (cf. billet du 26 sept. 2013), je mets en lien celui non moins exemplaire du Canton du Jura et celui de la ‘Ville fleurie’ d’Ecully (Rhône-Alpes).

Quel serait le bon gouvernement ?  -User du phytosanitaire :  interventions plus ou moins chimiques ou biologiques… (peut-être condamnées sans nuances par le milieu des apiculteurs ?). -Attendre les résultats des recherches menées par l’Astredhor (Institut technologique d’horticulture), l'INRA, etc. ? Recherches éthologiques par exemple, essai avec les micro-guêpes qui parasitent les œufs :  parasitoïde de la pyrale ? -Fournir l’information aux citoyens et encourager les pratiques de prévention ?

De près ou de loin – dans des Jardins jusqu’ici impeccables –  beaucoup seront touchés dans leur symbiose à la nature... Moins abstraitement, nous entrons dans un nouveau monde… et si l’on revisitait le concept de l’œuf de Colomb ?

Dans mes précédents billets je relevais des gestes simples et opiniâtres à l’usage des particuliers, d’où ma petite découverte sur trois éléments :

-la pyrale du buis se ‘noie dans un verre d’eau’ ;  -par ailleurs, l’insecte adulte s’englue sous un voile imprégné d’huile végétale au pyrèthre ;  -mais faut-il ajouter que les buis totalement atteints sont… à mettre au feu ?!

Pyrale/Diaphania… sur Paris

Durant leur hivernage, les Pyrales du buis ont pu attendre sereinement l’an neuf sous la forme de petites larves et de nymphes. Elles étaient dans leur fils de soie… bien lovées entre des feuilles… ou plus difficiles à voir le long des ramifications des branches de buis formés.

Dès le réveil printanier, doux, précoce et sec de cette année 2014, la question est devenue vive.  Combien de buis dans la Ville de Paris  – espaces verts publics ou privés –  ont-ils été déjà touchés par la voracité de cette chenille ravageuse ?

L’idée d’une alerte préventive avec un arsenal d’interventions suggérées  – et peut-être une mobilisation associative citoyenne, écologique, efficace –  ne pouvait être qu’escamotée,  surtout en période électorale !

Dès lors, une sous-information largement partagée a permis de voir encore ceci :

(en haut)  Chez certains marchands de fleurs et jardineries, en ce début d’année 2014 :  Buis formés, petites boules présentement ‘soldées’ à 30€ au lieu de 35 euros  – avec pointes dorées… – une affaire !  (Dans les années 1990… une même grandeur de Buxus sempervirens valait, peut-être, le double ou le triple).  –‘Bui…’ sans S, mais hélas non sans chenille-S… de la Pyrale du buis !

(en bas)  Et, peu après, une boule de buis ‘courant les rues de Paris’ !  Certes, avec encore un remarquable petit panache vert au sommet où l’on pouvait voir aussi des chenilles en pleine activité printanière. Dès mars/avril, des nymphes… des imagos… et sans doute un potentiel envol de leur papillon,  Diaphania ou Cydalima perpectalis.  J’en ai d’ailleurs capturé déjà cette année… Faut-il souligner que l’hétérocère femelle peut pondre environ 250 œufs ?  Qui… !

Un phénomène suffisamment virulent, symptomatique et contemporain ?  Une large dissémination avec pour vecteur l’homme actuel, celui qui  – abstraitement –  consomme aussi les plantes domestiques et les jette, comme le reste, à la légère ?…

Certes, on suppose que les plus soucieux iront voir sur le web pour savoir quoi faire… Et sur le site de la Mairie de Paris ou de sa région pour avoir des consignes… puis peut-être iront-ils chez leur petit droguiste de quartier.

Mais étant encore au début du problème sur nos buis semper virens, problème à peine déclaré, que leur répondra-t-on ?

-Que les autorités politiques demandent depuis le début de l’année (sous diverses pressions !?) que tout droguiste, naturellement en interaction avec sa clientèle et lui fournissant d’ordinaire d’excellents conseils pratiques d’usage… se payât une ‘formation’ à 700€  – par vendeur – pour avoir l’insigne privilège de lui procurer quelque moyen ‘chimique’ ou ‘biologique’ de lutte  – ici d’intérêt général !

Ainsi, chez mon petit  Droguiste-marchand de Couleur  pas de BT ! (le fameux Bacillus Thuringiensis  dont on reparlera…), ni de piège à phéromone pour les Pyrales…, ni même de kit utile :  gant léger, boite à couvercle, filet à papillon, etc. !

Victimes d’une certaine ‘suspicion’ (et de guerre lasse), en 2014 les droguistes français « ne peuvent plus travailler », et surtout pas en confiance !  Car des doctes ou des écolos en bureau… ont sévi.

-Alors les mains vertes iront en ‘grandes surfaces de jardinerie’. Y trouveront-ils de meilleurs conseils ?  Mais, manque de chance, la personne ‘spécialiste’ n’étant pas à son poste, chacun se sert  – très –  librement au rayon des insecticides…. puis va à la caisse.

Par exemple, l’Insecticide polyv. D6  redevient  (après une éclipse ‘écologique’ ?)  le produit par défaut pour compenser la rupture de stock du fameux BT,  car bien trop de gens demandent ce dernier, à profusion. Dommage pour l’efficacité partagée !! Soulignons pourtant que la lutte biologique artificielle est vantée par des brouets de conseils dans ces chaînes de Magasin de Jardinage… Car le BT n’est-il pas contre : ‘Vers des fruits et légumes et Anti-chenilles’ (au prix modique à présent, de 9€95) ?

-Quant à ceux nantis de paires de ‘beaux Buxus’ en pot (allant souvent au-delà des 150€ pièce !), tout cela leur paraît relativement simple. Quelque instinct avisé leur fera regarder à nouveau le contrat d’achat ou d’entretien de leur espace vert.

Ils appelleront assurément la maison de décoration… Dès lors, deux jardiniers arriveront pour reprendre les buis – non verts – avec un diable et une camionnette de livraison, afin de restituer les végétaux à Rungis !  Car « il faut qu’ils sachent là-bas », m’a-t-on dit !  La chaîne de responsabilité a évité ici le procès en référé ou la mise en cause…

Le jardinier travaille, l’ingénieur horticole est contraint à de nouvelles idées ‘créatives’ – et même les usines chimiques s’y retrouvent…

Mais qui paye déjà ‘les pots cassés’ pour les Buxus ravagés ?  Est-ce la colonne des profits et pertes ?  L’importateur ?  La déréglementation ?

(à gauche)  Visuel d’une des chenilles ‘bien au travail’ le 30 mars, rue Jean-Baptiste de La Quintinie, Paris 15e  – sur la route des Jardins de Versailles.  (à droite et en-dessous)  Au même endroit, à peine un mois plus tard. Les parties vitales de ce Buxus sempervirens d’une quarantaine d’années de soins n’y survivront probablement pas…

Ici ultime grignotage des parties vertes des branches… comme en arches de pont. Force serait de réaliser qu’il n’y aura pas trois générations de ravageuses défoliantes, mais quatre, voire même plus, cette année ?  Car à présent la nymphose va se poursuivre...

Existe-t-il à présent une carte 2014 de la progression de l’insecte en région parisienne ?  Les traitements phytosanitaires ‘tolérés’ arrivent enfin – in-extrémis – voire peut-être déjà en aval de l’implantation en France ?

Mais les traitements ne sont pas sans risque !? Ils doivent être appliqués opportunément.

Les insecticides « ont aussi l’inconvénient de ne pas être sélectif, et de toucher également les insectes auxiliaires utiles ». Et l’alternative de l’option biologique, dont le BT, est certes une bactérie qui se décompose après son action utile sur le vivant nuisible… mais y aura-t-il ou non des rétroactions malignes en cas d’usage commun et répété ?

Dans un premier temps les dogmes écologiques du ‘principe de précaution’ et du ‘laisser faire naturel’ qui ‘équilibrera le problème’ compte tenu de ‘la biodiversité’ ont prévalu. Mais selon mes observations d’amoureux des oiseaux, c’était en l’occurrence un mauvais pari  – de soutenir que nos passereaux dont les mésanges…  allaient faire ici le travail pour nous.

Voici quelques remarques d’ordre pratique et naïves, peut-être utiles et complémentaires pour une lutte opiniâtre, naturelle (responsable ?) appliquée aux Buxus :

-Agir au plus vite dès les premières manifestations de la présence de l’insecte : feuilles rognées, jaunissantes, fils de soie retenant de petites boules de déjection.

-S’équiper de gants jetables pour cueillir les chenilles, non urticantes, puis les faire tomber dans des boîtes de plastique ayant un fond d’eau de 1 à 2 cm ;  les immerger ensuite pour bien les noyer ;  comme je viens de l’expérimenter les pyrales n’ont aucune capacité à la natation !

Ceci s’applique à des buis formés peu nombreux. Si l’on travaille à mains nues, les poils de la chenille peuvent parfois s’incruster dans la peau, il faut alors les retirer avec une bande adhésive.

-Utiliser un jet d’eau à forte pression pour les buis linéaires, en ramassant au maximum les insectes au sol (les capter dans un filet à maille fine).

-Faire équipe de façon à éviter la lassitude. Il est évidemment plus agréable de cueillir des framboises mais… en la matière, il convient de procéder méthodiquement, systématiquement, puis de réitérer quelques temps plus tard.

D’autres moyens de lutte ont été évoqués dans les billets précédents de mon blog, cf. Comment résister, 27 septembre 2013

Ces attentions peuvent prêter à sourire, mais les gestes empiriques de l’artisan ont l’efficacité des choses simples...

Les buis étaient considérés jusqu’à présent : faciles, vigoureux, et commodes d’entretien ;  ils ont dans nos vies ‘un statut équivalent à celui des animaux domestiques’. ‘Respectables’ il faut désormais leur consacrer du temps et de l’observation moins abstraite  – nous sommes devant une sorte de ‘peste’ !  Des soins dépassant les principes de la propriété individuelle deviennent nécessaires…

L’impact sur le Patrimoine naturel et culturel  – dont ce ravageur serait un emblème –  est un marqueur social et de civilisation.

En l’occurrence comment René Dumont, André Gorz, ou d’autres consciences d’écologues se seraient-ils impliqués ?  En ‘Penseurs de la complexité’  ils fondaient leurs raisonnements selon leurs connaissances et expériences ;  ils s’appuyaient aussi sur une grande variété d’opinions et de savoirs…

Plus modestement, je mets en liens des regards à propos  – des multiples –  problèmes actuels sur le buis dont l’article de l’APJRC (Association des Parcs et Jardins de la Région Centre), signé Michèle Quentin, et l’échange que j’ai eu avec Patrick Borgeot, Jardinier de Vaux-le-Vicomte.

Ayant évoqué le principe d’une veille sanitaire auprès d’une personne des milieux écologiques médiatiques… Il m’a été répondu « qu’ils ne peuvent s’occuper de tout et de n’importe quoi ! »  et que j’aurais tort d’insister auprès de Mme La Maire de Paris, car  « Il ne faut pas s’imaginer qu’un élu est Dieu le père ! ».

Néanmoins, voici ce que j’ai encore tenté :

- AUX BUIS CITOYENS,   CES TRÉSORS SONT  LES NÔTRES !
 texte remis à Anne Hidalgo,  Maire de Paris,  le 1er mai 2014 :

« Le Nôtre, bien sûr, n’a pas planté tous les buis des parcs et jardins de France ;  il n’a pas non plus présidé à l’aménagement de ceux, aujourd’hui très attaqués, qui ornent les plus beaux parcs de Paris.  Je me suis cependant autorisé cette petite installation éphémère, et frondeuse, sur le buste du plus grand artiste jardinier de France afin de revenir vers vous pour évoquer le péril qui menace aujourd’hui l’ensemble des œuvres végétales du même ordre dans notre pays.

« Certes de nombreux parterres de buis sont aujourd’hui traités au BT. Mais l’action publique, qu’avec d’autres responsables politiques vous avez initiée, ne semble hélas pas suffisante pour endiguer l’expansion des ravages de la pyrale, cet insecte porté par les échanges du commerce international des pays d’Extrême Orient à nos jardins et nos parcs, mais aussi nos champs, bois et forêts.

« La raison principale de cette incapacité réside dans le fait que la grande majorité des buis potentiellement hôtes du parasite appartiennent à des particuliers. C’est pourquoi il apparaît important que les politiques, au-delà des actions qu’ils ont entreprises dans les espaces dont ils ont la charge, s’emploient à alerter les propriétaires privés sur leur responsabilité dans le combat contre le fléau.

« A la fin de l’année se tiendront les journées européennes du patrimoine, plus spécialement consacrées au patrimoine végétal et naturel. Vu la virulence de l’expansion du phénomène, il y a fort à craindre que le constat qui sera dressé de la situation des buis ne relevant pas de la gestion publique, dans nombre de régions de notre pays, soit catastrophique.

« Il y a donc urgence à ce que les responsables politiques s’emparent plus significativement de ce problème en approfondissant leurs actions de traitement et de prévention, mais aussi en lançant une puissante campagne d’information et d’incitation à l’action auprès de nos concitoyens.

« De cet engagement dépend la préservation d’un trésor naturel de notre patrimoine, dont l’éventuelle régénérescence, s’il devait être détruit, demanderait assurément plusieurs siècles. »

Le Notre

Buste d’André Le Nôtre, auteur des plus beaux parcs de France, sculpture d’Antoine Coysevox  – Installation d’Etienne Trouvers, jardin des Tuileries, avril 2014, ‘Le Nôtre en statue du Commandeur’ !

La Pyrale du buis est, dans la famille des pyrales, d’une voracité inouïe et… très prolifique. Une rumeur suggère qu’après avoir dévoré les buis français, les chenilles pourraient se régaler d’autres végétaux, comme l’olivier…  Louis XIV ne peut pas plus vivre sans buis que les populations du sud sans les Olives !  Où en sont les recherches scientifiques sur cet insecte aux multiples facultés d’adaptation ?

Ce serait des plus ‘ironique’ qu’un dogmatisme prégnant soit le socle propice d’un certain drame écologique.

Nouveau marronnier

Chap. 2/2

Comment ne pas se réjouir qu’une femme, Henriette Grandjean (1887-1968), épouse Bourquin, soit reconnue au-delà des frontières helvétiques pour l’excellence de son talent artistique !?  Et donc :

La ‘manchette’ aux kiosques des montagnes du Jura, le 7 février 2014 :  article signé Daniel Droz, rédacteur en chef de L’Impartial

Dans la logique de faire renaître sa vie et son œuvre je suis allé au cimetière de la Ville de la Chaux-de-Fonds  – encore sous la neige… (malgré les douceurs étranges de cet hiver 2014). Or ce paysage retenu de silence était beau. Sous le moelleux froid d’une neige bien maîtrisée rien n’y fut morbide. En quelque sorte, ce lieu m’a fait l’impression ‘suisse’ d’être une maquette en polystyrène d’une vue en situation :

Cimetière de la Chaux-de-Fonds : (en haut) le regard en direction de la tombe d’Henriette Grandjean, vue des allées rectilignes des tombes anciennes sur fond de hauteurs en cyprès ; (en bas) Le crématorium, façade Est.  Chef-d’œuvre d’art total de style sapin, réalisé entre 1908-1910.

Plan de Robert Belli puis René Chapallaz (sous l’influence de l’œuvre architecturale de Joseph Olbrich à Darmstadt ?) « L’hésitation dans 
la modénature laisse penser que la
 liberté accordée à Charles L’Eplattenier et ses élèves fut relativement importante, permettant ainsi une intégration remarquable, quasi symbiotique, d’un art décoratif sophistiqué à une architecture sobre » (Jean-Daniel Jeanneret).

Adepte de la crémation, Henri Grandjean, mon grand-oncle qui résidait alors près de Vevey, a impérativement demandé d’être incinéré en ce lieu. Mathématicien, directeur général du Crédit Suisse à Zürich (de 1943 à 1945), docteur honoris causa de diverses universités, diplomate, commandeur de la légion d’honneur, et de plus esthète, Henri Grandjean (1885-1968) voulait-il ainsi honorer son enracinement jurassien ?

En octobre 68, je me souviens d’avoir été bouleversé par sa crémation dans cette chapelle dite « de laiton, d’allégories macabres et de fer (qui) ajoute au chagrin qu’on peut avoir de perdre un parent (…) ». Le sentiment d’avoir à participer ‘activement’ à la mort d’un être cher par cet acte n’est pas neutre.

A mon sens, la part critiquable de ce lieu n’est pas son ornementation décorative et inventive Art nouveau... De même, la netteté de l’effet général en forme de ruche du crématorium de La Chaux-de-Fonds demeure dans nos mémoires.

Je ne sais rien de la participation d’Henriette Grandjean ici. La qualité du travail de l’atelier Lugrin de Genève  – par exemple en métal repoussé –  en dit long sur le niveau de finesse atteint à cette époque par mon aïeule…  Par contre, de tradition familiale, elle était bien à La Chaux-de-Fonds avec ceux du ‘Cours supérieur’ pour l’élaboration de la magnifique décoration de salle de musique et de la villa de Monsieur Raphaël Schwob  – détruite…  (au moment où certains conservateurs de musées retiraient les cadres anciens des tableaux !).

On ne m’en voudra pas d’avantage de rappeler aussi que son frère ainé, Henri, était collectionneur, entre autres, d’un impressionnant ensemble de Léopold Robert (dont certaines peintures ont été léguées par sa veuve, par l’entremise de mon grand-père, au musée des Beaux-Arts de La Chaux-de-Fonds). Allez comprendre pourquoi Henri Grandjean-Perrenoud-Comtesse a les qualités pour être présent dans Le Bénézit (référence des antiquaires) au titre de collectionneur (généreux), alors qu’un tour de passe-passe villageois escamote la bonne affaire au musée !?…

Du point de vue des idées, nous savons tous que les rapports à l’élan esthétique et au talent sont des réconforts…

Mais encore faut-il compter avec les terribles ombres portées sur l’Art :  les douleurs de la jalousie,  de la vanité,  de l’égo, et de la cupidité humaine… en vinrent à faire éclater le fond d’idéalisme démocratique du style Sapin.  L’aventure du Cour supérieur d’Art et de Décoration des années 1905-06… puis celle des Ateliers d’art réunis en mars 1910 (sur les modèles de Glasgow, Munich, Dresde, Darmstadt ou Vienne), et de la  Nouvelle section de l’Ecole d’art, créée en 1911, furent stoppées en mars 1914 par des querelles de pouvoir et de personnes.

Dans L’Impartial (journal des montagnes), le feuilleton de petits articles savants parus sous la plume de Jean-Bernard Vuillème (entre novembre 2004 et avril 2006) sont encore une référence. On avait rêvé, écrit-il, de « démocratiser l’art, d’introduire ‘le beau’ dans les salons du peuple et d’installer le bon goût dans la tête des gens, mais (Charles L’Eplattenier) ne croyait pas qu’un mouvement d’art pouvait se passer d’une direction artistique forte confiée à un homme prêt à marcher à contre courant. Démocratiser l’art, oui, mais le livrer aux décisions d’une majorité, jamais ! ».

Un appel auprès de sept « personnalités les plus qualifiées d’Europe en matière d’enseignement et d’industrialisme d’art » fut lancé. Elles avaient pour noms fameux : MM.  -H. Guimard, à Paris.  -E. Grasset, à Paris.  -R. Carabin, rapporteur à la Ville de Paris.  -K-E. Osthaus, directeur des Deutscher et Folkswang-Museums à Hagen.  -P. Behrens, à Berlin.  -Th. Fischer, à Munich.  -A. Roller, directeur de la Kunstgewerbeshule à Vienne. Les appréciations étrangères furent empathiques et laudatives.  Mais « Rien n’y fait. Le mouvement artistique le plus original et structuré né à La Chaux-de-Fonds a bel et bien été étouffé dans le modèle de direction avant-gardiste de Paul Graber » (le premier élu du Partit Socialiste de la Cité horlogère).

Dès lors, sans clé de voûte et sans le superbe ciment du Style sapin, chaque artiste a poursuivi sa route comme une aventure individuelle pour son propre développement…

On ne dira jamais assez que les arts visuels ne sont pas les jeux olympiques du musée pour entrer dans les  Dictionnaires. N’est-ce pas le degré d’authenticité qui porte une œuvre dite de ‘qualité musée’ dans les consciences humaines ?

Il me paraît évident que la muséographie présente du pavillon Amont au musée d’Orsay à Paris exprime qu’il peut y avoir autant de créativité et de civilisation dans un modeste objet de qualité que dans toute une architecture… Là, il convient de témoigner combien Henriette Grandjean, puis L-H. Bourquin, a poursuivi l’effort artistique de l’ornementation et de la forme parfaite au-delà d’une ‘expérience Art nouveau à La Chaux-de-Fonds’.

Je sais par son courrier que chez ses beaux-parents après son mariage, mon aïeule s’est retrouvée tel un fin pur-sang maintenu au box à perpétuité… Elle venait d’avoir successivement deux filles. Mais toujours et encore jaillissaient idées sur idées en son cerveau de créatrice, ainsi qu’à l’époque où elle donnait à plein jusqu’à 11 heures par jour (au sein d’ateliers très prospères) ;  à présent c’était à en devenir folle, à en perdre le sommeil et la santé !…

Ma mère et ma tante atteignaient l’âge de raison lorsque Henriette fut reprise par ‘son’ marronnier d’espérance pour s’affranchir des contraintes insidieuses de la vie bourgeoise. Ils dirent alors dans la famille avec toute l’ironie de leur savoir de patrons-sociaux : – Oui, ça doit être le démon de la peinture !

En 1923, avec enthousiasme et foi dans une idée de progrès de l’humanité, mon aïeule draina quelques capitaux et partit avec André et ses filles dans une communauté… Colonie agricole et d’entraide dites :  ‘L’œuvre’,  aux Vidies à Essertines/Rolle (canton de Vaud).

Ses parents lui avaient déjà fait reproche de ne pas signer assez ses créations en tous genres ;  ou de trop laisser ses professeurs ou camarades capter son travail… Elle avait répondu brièvement que ce n’était pas gave d’être ‘anonyme’ en atelier et qu’elle détestait encore plus les honneurs. Mais à présent, injure suprême, on la traite de ‘communiste…’

Pour leur répondre avec le sourire de la Beauté elle cloisonna alors ses compositions personnelles d’or. Mais cette nouvelle expérience de partage communautaire se clôt sur un échec, en 1941. A nouveau elle donnera dans l’abnégation pour compenser ;  mais les traumatismes furent complexes, voire même irréversibles…

Peinture sur porcelaine signée :  L-H Bourquin ;  vase de 8cm, en quatre cuissons, vers 1923-25 ;  résurgence tardive d’éléments neuchâtelois :  Sapins divers et enneigés,  lac bleu,  élément floral inouï et souriant, horizon brumeux, courbes jurassienne de la forme (tout un climat souvenir) ?... 

Peut-être que la salle Art nouveau du musée des Beaux-Arts de La Chaux-de-Fonds expose des dessins ou objets attribuables, comme je le pense, à Henriette Grandjean (Bourquin)… Par prudence, sur les cartels, il était dit auparavant : anonymes N.D. et maintenant : élève de l’Ecole d’art

Anonyme ! Parce qu’elle ne figure pas dans les annales d’une époque où les femmes étaient interdites d’accès, non seulement aux concours, prix et récompenses de l’Ecole d’Art, mais mêmes à ses registres !  Anonyme… non déterminé (N.D). Quelle ironie, pour elle qui voulut que sa pierre tombale au cimetière de la Ville demeurât vierge de patronyme, sans autre identité que celle d’un verset biblique gravé dans le calcaire de son Jura natal.

Le petit-fils que je suis admire profondément cet ultime geste d’humilité de son aïeule. Mais les temps ont changé. Pour qu’une œuvre existe dans une mise en valeur scientifique, c’est-à-dire en interaction internationale d’un musée à l’autre, les nécessités de l’histoire de l’Art demandent que, dans la mesure du possible, tout objet soit attribué et référencé. D’où ma démarche actuelle.

En me rendant dans la neige sur sa tombe, je me suis souvenu de l’expression d’Henri Grandjean témoignant à son égard sur la vaste nappe blanche familiale :

« Si vous cherchez Une Artiste, n’allez pas plus loin, vous la trouverez ici ! »

Au cimetière, pouvait-elle faire autrement qu’inscrire ses choix d’ardeur et d’existence ?

Or voici que dans son journal et ses cahiers de souvenirs, je relevais :

« Le trésor de la vie, c’est l’amour – La ruine de la vie, c’est l’égoïsme ».

Et devant sa pierre anonyme dressée sans orgueil inutile vient résonner encore en moi cet autre aphorisme : 

« Sur le chemin de la vie, j’ai eu l’occasion de faire un grand bouquet de souvenirs ».

Aussi émergea encore en moi, l’une des faces mystérieuses d’Henriette Grandjean-Bourquin qui orne cette étonnante destinée :

« Raconter mes souffrances physiques et morales, ce serait raconter aussi ma vie, puisque j’ai dû naître ainsi ! (…)

« A huit ans, ma jambe me faisait tant souffrir que maman me trouvait recroquevillée dans la poussette de mon petit frère.

« Deux médecins m’auscultèrent et ne trouvant rien pour tirer le mal dehors, pour me guérir de me plaindre, on me mit un vésicatoire. (Substance, médicament onguent, qui fait venir des ampoules, qui détermine le soulèvement de l’épiderme.) Je restai alitée une semaine pour guérir de la brûlure du vésicatoire, mais sans résultat pour la jambe.

« Maman me ficelait, bien emballée dans un hamac, et me laissait seule dans le petit bois, non loin de la maison. Mon livre à la main, j’avais comme tâche d’apprendre une fable. Un jour, le hamac se détacha de l’arbre, et je tombais sur le dos, les pieds suspendus en l’air ! Je restai longtemps dans cette position. Dans la chute le livre se ferma, alors j’admirai la petite forêt dans tous ses détails et le ciel entre les cimes des grands sapins.

« Quand maman arriva elle prit peur et me délia :  – T’es-tu fait mal ?  – Non.  – Alors, que faisais-tu ?   – J’écoutais, je regardais.  – Quoi ? Qui ?  – Mais, la forêt !  – Et ta fable ?  – Le livre s’est fermé, alors je n’ai plus retrouvé la page.  Je fus vertement grondée. 

« Mais dans ce charmant petit bois, toute seule, en contemplation devant cette nature sauvage, j’appris à regarder les choses, à prier.  Non en parole… mais la contemplation de la nature me conduisit tout naturellement à l’adoration du Créateur.

« Je souffrais toujours de ma jambe, toujours. Mais à quoi bon me plaindre, on ne me croyait pas. (…) »  (Il est remarquable qu’Henriette Grandjean ait supporté par la suite plusieurs traitements et opérations expérimentales… faisant appel à sa force de caractère de ‘montagnarde’ face à des fibromyalgies de naissance, douleurs qu’elle a sublimées par une force manuelle de sculpteur-graveur, jusqu’au geste de son pinceau !)

Henriette Grandjean poursuit brièvement dans son autoportrait écrit :

« Une chose encore me rendait timide et repliée sur moi-même. J’étais sans cesse punie à la maison et à l’école. J’étais gauchère !  Aujourd’hui cela semble ridicule mais en ce temps là, ça n’était pas admis.

« Les jours de congé je devais aller travailler chez une brodeuse au lieu de jouir du grand air comme mes frères et sœurs. En été nous vivions à la campagne ; maman me préparait un ouvrage à crocheter. Je grimpais alors sur un mur, puis sur la barrière pour aller me blottir entre les branches d’un grand arbre, pour crocheter… de la main gauche. » (Mais je remarque que ce second ‘handicap’ lui permettait aussi de voir mentalement le motif symétrique axial ou bilatéral des arts décoratifs, sans miroir !)

« Je suis reconnaissante à mes parents de m’avoir appris à travailler avec ardeur. (…) Les événements eux-mêmes sont peu de choses, c’est leur portée morale qui compte, et la position que l’on prend dans les circonstances de la vie » conclut H.G. ou L-H B. (Louise-Henriette épouse André Bourquin) dans l’un de ses carnets.

Cimetière de la Chaux-de-Fonds, février 2014 :  Sur la tombe anonyme d’Henriette Grandjean-Bourquin portant pour seule l’inscription : « Je sais que mon Rédempteur est vivant. » Job : 19 v. 25  (tombe 1713)

Scrutant le végétal selon la tradition familiale  – par le dessin –  je désirais encore aujourd’hui faire l’expérience, à La Chaux-de-Fonds, des émotions ressenties lors de l’éclosion des premiers bourgeons du ‘marronnier nouveau’, donc vu selon un développement symétrique étonnant.

Mais pour ce nécessaire héritage en mon être, encore faut-il savoir saisir l’instant T… Remarquons par exemple les surprises du Calendrier genevois de la première feuille du marronnier de la Treille :  -lundi 15 mars 2010  -lundi 28 février 2011 puis le mercredi 30 novembre 2011  -mardi 13 mars 2012  -jeudi 21 mars 2013  -mercredi 5 mars 2014.

En résonnance avec le travail du Sautier, voici une perception d’artiste visuel ;  émerveillement  (dont le verbe est  Marronnier).

– Nouveau marronnier à La Chauds-de-Fonds –  avril 2010,  Pastels gras et maigre d’Etienne Trouvers, 54 x 38 cm

Marronnier nouveau

Chap. 1/2

Les métamorphoses du marronnier incarnent magnifiquement les assises charpentées et copieuses d’une nature bien tempérée ;  et l’Art nouveau ne pouvait éviter de telles lignes végétales chargées de vies.

‘Belle époque’ et superbe modèle pour la prise en compte de propriétés sensibles innovantes… ou ‘nouvelles’ ?  Comme le relève Philippe Thiébaut (dans un panneau didactique au musée d’Orsay), il s’agissait alors de : « repenser le cadre de vie de l’homme contemporain ».

On songe aux marronniers-lampadaires de Guimard au métro Nation (Paris 12e), à tel ou tel Emile Gallé, voire à Louis Majorelle, etc.

Pour H.Grandjean (artiste née en 1887), l’attention aux perfections de ce végétal aux cinq doigts réguliers… fut sans doute liée au rituel de l’éclosion de ‘La’ première feuille du marronnier de la République de Genève  – observée sur ‘la treille’ au-dessus du Jardin des bastions (depuis le XVIIIe siècle)–  et a dû compter comme élément vécu et comme source d’inspiration esthétique.

Entre 1907-1909, mon aïeule avait pris pension rue du Puits-St-Pierre, dans le vieux Genève, avec des épisodes de retour dans son Jura natal pour accomplir des travaux de réalisation, ouvrir une antenne d’enseignement pour les femmes de la Chaux-de-Fonds (Avenue Léopold-Robert n°76), et participer à une exposition collective avec les élèves du Cours supérieur (en 1908).

La Banquette-coffre chaux-de-fonnière d’Henriette Grandjean (exposée au musée d’Orsay) est l’interaction d’une composition de divers végétaux harmonisés pour illustrer un sujet emblématique (à plus d’un titre) ;  ils se combinent par registres bas, moyen et haut qui se répondent, dialoguent et s’interpellent.

Banquette-coffre surnommée dans la famille :  le ‘trône neuchâtelois’ ou le ‘Siège d’entrée’ !  Nous en reparlerons…

A la Chaux-de-Fonds, l’expérience ornementale s'est voulue ancrée dans le terroir, selon une originalité culturelle à refonder.  Toutefois, le Style sapin comporte aussi quelques décors figurant des marronniers en fer-forgé ou en fresques d’immeubles locatifs… (Productions anonymes, démocratiques, mais relativement tardives, réalisées par la Société des Ateliers d’art réunis, entre 1910 et 1914 ?).

Sa vie durant, Henriette Grandjean-Bourquin a su faire du marronnier ‘pleine feuille’ et de ses ‘bourgeonnements symétriques’ un véritable répertoire créatif ;  car pour elle, l’attention au marronnier est  bien plus qu’un motif d’ornementation de surfaces.

Dans son œuvre, encore méconnue, le répertoire végétal est très large mais elle chérissait tout particulièrement cet élément d’Art nouveau ;  elle y est revenue, époque après époque, jusque dans les années quarante…

Est-ce à moi de dire que les conceptions décoratives de mon aïeule se caractérisent par une profondeur d’inspiration ouverte sur un vaste panorama décoratif ?  Chaque fois que je scrute son Art de ‘dessinatrice’ ou de ‘designer’ c’est un pôle d’excellence :

-soit des éléments de beauté naturelle devenus emblématiques ou symboliques (donc pleinement chargés de sens culturel) ;

-soit une représentation de la Nature, comme distillée ou stylisée en forme absolue, mais vivante !…

-soit une richesse d’un autre temps, mais toujours convaincante d’équilibre véritable, intemporelle. Donc, décoration rarement rébarbative ou simpliste !

Visuels de détails de la Banquette-coffre, vers 1907 (musée d’Orsay, Paris) ;  voyons la puissance de cette frise de marronnier en farandole :

(en haut) Le registre en créneaux alternés :  -marron, -vide, -pive, -marron… jeux divers d’invariants réguliers.  Au-dessous, remarquons que ‘toujours’ la feuille issue des profondeurs émerge pour se présenter entière en surface et dépasser sur la précédente ;  ce, jusqu’à l’axe central.

(au centre) Ici, c’est le moment des ‘axes inconditionnels’ (Charles Leblanc) :  – vertical/horizontal/diagonal –  angles parfaits en cinq éléments folliculaires stables avant leur retournement symétrique ;  toutefois, l’axe du marronnier demeure dynamique par une perception de contexte.  Apprécions avec quel léger travail de forces modulées cette frise de marronnier s’incarne (en bois de chêne) ;  dans ce léger bas-relief de L : 1,65 cm, avec quelle finesse et netteté la plénitude végétale du marronnier est sculptée !  Pour moi, c’est encore merveille… (Enfant, j’adorais y passer le doigt !). 

(en bas) Demeurent les retournements fantastiques et bipolaires masculin/féminin, d’une chose et de son contraire, en complémentarité. – D’une part, on a pu voir des fruits trapus de conifère pour exprimer une force masculine, peut-être comme ceux, trapus, calmes et solides du cèdre ?  – et d’autre part, de mystérieuses ouvertures de marrons, entre :  la vulve, le mâchicoulis, ou même, la vision d’un œil ? (si l’on veut bien !).

A la Chaux-de-Fonds, l’essor printanier des végétaux est fréquemment décalé d’un mois sur Paris, avec pour marqueur le marronnier…

Forte en travail de précision et en angles droits, cette ‘ville manufacture’ (ou Cité horlogère helvétique) taille, avenue Léopold Robert, le sommet de son allée centrale de tilleuls à 1 000 mètres d’altitude.

Après l’incendie de 1794, la Ville fut largement reconstruite sur un plan rationnel en damier, en ‘tiroirs successifs’ :  rue, immeuble, jardin ouvrier, rue, etc. Présenté par le graveur Moise Perret-Gentil, puis, en 1834, par Charles-Henri Junot, le plan d’urbanisme se développe en une suite de rues parallèles sur le flan nord, jusqu’à la rue de la Montagne.  Au-delà, c’est le chemin de Pouillerel, la forêt, et les verts pâturages jusqu’à la barrière  du Doubs – frontière française.

Or c’est au centre du quartier neuf et résidentiel (Montagne n°12) – non loin des nouvelles villas de Style Sapin – que le colonel Henri Grandjean et son épouse, née Blancpain-Droz,  firent bâtir leur maison…

En 1906, à son retour de visions modernes et déjà monumentales de l’Art nouveau européen (fort d’une vitalité et de qualités utopiques ayant ouvert le XXe siècle), c’est la façade sud de la Villa Fallet que ma grand-mère aura comme vis-à-vis de ses fenêtres.

Une solide architecture, ornementée de sgraffites de sapins ocrés en quatre tons, et selon une stylisation régionaliste marquante…

Deux façades style sapin :  (en haut) de la ‘Villa Fallet’ (1906), façades Nord-Ouest  ;  (en-bas) la ‘Maison blanche’ chaux-de-fonnière (1912), façades Nord-Est, conçue par Charles-Edouard Jeanneret  pour ses parents (admirablement restaurée en 2005 pour honorer  Le Corbusier) ;  par son superbe ruban bleu azur dessinant une flèche de ‘forme Sapin’ cette architecture clôt l’ensemble de cinq Villas à Pouillerel exprimant une volonté typiquement jurassienne… – merveilles de l’époque dues aux compétences de René Chapallaz (architecte), aux jeunes talents de l’esprit Art nouveau/Heimatstil, et à l’impulsion éclairée de Charles L’Eplattenier (leur professeur) !

Il faut aussi percevoir le type d’imaginaire naturel offert par le lieu au tempérament d’Henriette Grandjean, née à la Côte-aux-fées, un 13 mars (donc au moment où les feuilles de ‘marronnier nouveau’ renaissent souvent en plaine !).

Dans mon enfance, c’était encore la neige en mars… Je pourrais donc vous présenter un très vaste répertoire de déguisements neigeux sur sapins fantastiques, d’orgue de glaçons, ou de cristallisations ‘ornementales’ dans les glaces  – marques des fées ?  – Rappels et découvertes faites avec ma Grand-maman de la Chaux-de-Fonds !

Exemple de cristallisation acérée en ‘forme de sapin’ vue dans les neiges au matin, à parfois -12°, après le passage d’une bise verglaçante (comme à la Côte-aux-Fées !)

Je me souviens aussi qu’elle m’avait appris à dessiner les oiseaux du jardin venant se nourrir jusque déjà tard au printemps ;  à suivre les traces des écureuils comme une portée musicale  dans la neige fraiche, ensoleillée – pour savoir où ils nichent ;  ou à observer bien des mystères esthétiques du visible de la Couleur :  allant de prismes solaires aux froides lueurs sous un ciel étoilé...

Mon grand-papa André Bourquin, architecte, affectionnait dans les balades en montagne au cœur du Jura les vieux conifères vert-bleu-noir ;  c’est-à-dire, les sapins gogants (des individus forts se détachant bien sur l’horizon par leur bonne gestion du terrain !). Son épouse les avait stylisé à la grande époque, lui les dessinait… Bon élève du Polytechnicum de Zürich, il aimait ce qu’il appelait ‘les raccourcis’ pour arriver aux points de vue… Là, il s’arrêtait, nouait les mains sur sa canne, et méditait.

Les Henri Grandjean, eux, d’abord horloger puis transporteur-camionneur, chérissaient un enracinement inéluctable  – mais pour aller au loin !  Ils n’étaient pas des chaux-de-fonniers renégats, mais ils se devaient de lever les amarres,  pour dépasser cette ‘Cité gigogne’ et gagner au plus vite leur vie, très au-delà des horizons du bleu doux jurassien… Panorama souvent contemplé du mont Pouillerel par delà la frontière du Doubs, désirable comme les confins de la mer !…

Est-ce en effet un hasard si cette ville qui transposa dans le domaine décoratif son dynamisme économique et démographique (plus de 37 000 habitants en 1910) a vu naître puis partir :  Louis Chevrolet, Blaise Cendrars, Le Corbusier, etc. (ou à présent, Laurent Bourgnon) ?

Avec quelle émotion arrive mars/avril pour ces neuchâtelois après leur long hiver  – douceur soudaine et comme venue d’ailleurs !  Car quelque soit leur sensibilité, ils jubilent de voir la rapidité printanière…

En art aussi, il leur a été naturel de rattraper l’élan baroque et printanier d’une certaine modernité… (Par exemple, les grands principes des « Ateliers réunis d’art et d’artisanat » de Munich et Dresde fondés en 1893, puis fusionnés 1898 !).  Car, l’Art nouveau chaux-de-fonnier depuis le diplôme d’honneur conquis à Milan en 1906, était aussi cela :  un autre printemps utopique avant 1914 ?

Alors que la muséographie de la salle Art nouveau du riche musée des Beaux-Arts de la Ville vient d’être revue à la baisse,  il m’apparaissait légitime de redonner un visage à une artiste :  Henriette Grandjean  – sorte de ‘satellite émetteur’ à l’époque de sa contribution primordiale (de 1904-05) puis dès 1906… (à 18 ans ½ !).

Il est en effet remarquable que, dans le 1er voyage en mission d’études mandaté par L’Eplattenier, Léon Perrin et Charles-Edouard Jeanneret-Le Corbusier arrivent assez tardivement au cœur et foyer ‘des bonnes écoles’ de l’Art nouveau (de 1907 à 1909). Dans divers échanges (cf. lettres de Vienne aux parents du 2 janv. et 26 fév. puis du 8 mars 1908) les deux ‘élèves’ (le sculpteur et le futur architecte)  survolent l’état des lieux germaniques… Ils font alors allusion à l’apport d’Henriette Grandjean « qui fut des plus complaisantes » et leur a fourni par l’entremise de Charles l’Eplattenier « des renseignements complets sur Dresde ».

Renseignements détaillés (de 1906), prétextes de résistance à leur maître pour aller directement et plus longuement à Paris…

à suivre chap. 2 : Nouveau maronnier

Une Suissesse au Musée d’Orsay
Henriette Grandjean

« Le musée d’Orsay compte dorénavant dans ses collections trois œuvres d’Henriette GRANDJEAN (1887-1968).
 Une Banquette-coffre de 1907 et deux terres vernissées de 1911 sont exposées au Pavillon d’Amont, constituant un excellent aperçu de l’art décoratif suisse de style sapin qui anima La Chaux-de-Fonds de 1905 à 1914. »

C’est ainsi que L’agenda culturel de l’Ambassade de Suisse en France vient d’informer les ressortissants helvétiques qu’une ‘résurgence’ d’œuvres d’Art nouveau existe encore à Paris.

Haut lieu de l'individuation artistique d’une époque, le Musée d’Orsay expose et manifeste autre chose qu’un esprit national :  le souci d’une certaine grandeur…  Je ne sais plus qui disait :  « en Art, peu importe l'origine du bois lorsque qu'une flamme apparaît… ? ».

Vase en terre vernissée de 30 cm de haut, signé HGrandjean1911, musée d’Orsay. Réalisé à Ferney-Voltaire, il fut montré avant Noël 1911 au cœur d’un ensemble de 82 pièces originales, dans le Style sapin, exposées avec succès à La Chaux-de-Fonds

Pour moi, en ce début d’année 2014, c’est un petit événement donné en partage aux visiteurs du M’O.  Mais il aura fallu 100 ans !… Peut-être un peu de recul… et surtout quelque acuité professionnelle pour l’apparition fondée d’une Artiste occultée !  

Henriette Grandjean (épouse Bourquin) est ma grand-mère maternelle. C’est d’elle que je tiens mes premières et vraies leçons de dessins.

Elle signera ses œuvres originales de la seconde période, de 1923 à 1941, d’un LHBourquin (ou du monogramme LHB) accompagné souvent d’un sapin.

Je l’ai connue… puis ce fut un personnage assez ‘fantomatique’ !  Car allez comprendre pourquoi cette femme  «  née dans une famille de notables liés au développement d’une cité, métropole horlogère suisse du Jura neuchâtelois », après avoir exercé par tranches de vie successives diverses influences discrètes sur autrui, a voulu pour sa tombe à la Chaux-de-Fonds, la marque d’une valeur suprême. Un calcaire du Jura  « riche des plus belles irisations possibles »,  mais anonyme !?  C’est-à-dire, pleinement laissée à la seule force  – juste incisée – d’une inscription biblique.  (J’y reviendrai dans un billet illustré).

A présent, je sais un peu plus que ma grand-mère a été une femme artiste à la vocation et au destin emblématiques pour la condition féminine de l’époque…  

Après l’enseignement des professeurs Aubert, Kaiser et L’Eplattenier, comme élève externe du Cours supérieur d’art et de décoration de La Chaux-de-Fonds  – en tant que femme, elle ne peut être inscrite aux cours – ni se présenter officiellement aux examens et concours, dont celui de 1906 à Milan !  (certaines de ses conceptions de boitiers de montre y seront primées) ;  elle décide de partir aux sources de L’Art nouveau, dès fin 1905 (à 18 ans), et fait un voyage d’études d’un an à Paris,  Bruxelles, Munich… puis à Dresde à la Kunstgewerbeschule dirigée par Lossow, avec le professeur Gussmann pour le dessin de composition décorative.

A son retour dans la cité horlogère (sorte de laboratoire de la condition ouvrière par sa mono-industrie !), moment de la réalisation de la Banquette-coffre… le contexte de révolte et de grèves des années 1906-1911 la pousse à l’autonomie puisque sa famille est ruinée. 

Dans l’élan d’ouverture sur la vitalité artistique de l’époque, elle rejoint un atelier d’art décoratif de renom à Genève afin :

« d’Enregistrer le maximum, puis revenir en notre ville natale dans le but d’ouvrir un atelier et de donner des leçons. Les plans étaient fort beaux mais, comme j’avais toujours en horreur des études réglementaires, comment me soumettre ! Entrevoir la perspective d’enseigner des méthodes auxquelles je ne me soumettrais jamais !  J’apprenais volontiers mais toujours dans le but de faire autrement. Enfin, me dis-je, allons toujours et ne discutons pas » écrira-t-elle.

Dorénavant elle apprend et travaille pour une Maison-atelier prospère qui réalise des objets décoratifs et publie des modèles ;  elle loge dans une pension ouvrière, source d’écriture et de réflexion sur la vie des femmes.

On va la retrouver active comme ‘dessinatrice’ en diverses disciplines d’art décoratif en 1909-1910 dans le même atelier, transféré à  Paris  – maîtrisant les techniques d’ébénisterie, argenterie, pyrogravure, marqueterie de cuir, broderie en ficelle, dentelles, etc. Puis, après un moment en Suisse (où elle expose des pièces de terres vernissées, en 1911) elle conçoit des travaux de décoration dans le canton de Neuchâtel, en 1912 ?  H.G. est ensuite à Varsovie comme dessinatrice pour des travaux sur tissus pour la Cour de Russie jusqu’en 1913. Alors qu’elle projette de partir aux USA, sa famille lui rappelle qu’elle est fiancée à un architecte. Elle se marie en 1914.

Destin de grand talent et d’exigence, d’une puissance de travail et de créativité rare,  Henriette Grandjean est un vrai personnage de roman…

Enseigne du Soleil d’or
Tout un enseignement !?

En l’occurrence, comment ne pas se souvenir d’une citation attribuée à Guillaume 1er d’Orange-Nassau : « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ».

Voici la petite expérience qui convoque cette belle pensée :

Il était une fois une auberge dite « du Soleil d’Or », sise au 226, rue de Vaugirard à Paris, sur la route de Versailles, non loin de la Mairie du 15e arrondissement !...

En tel lieu des vestiges du début du XVIIIe siècle avaient survécu jusqu’à nous. A l’époque de l’octroi de l’ouest de Paris (au niveau du métro Pasteur actuel), c’était le premier relai de poste hors les murs,  à 3,6 km de Notre-Dame. D’ailleurs, sur une ‘sucette historique’ de la Ville, le passant peut lire  – en des termes distillés –  qu’il y a eu passions en 1791, puis en 1796 ;  donc que le lieu est toujours ‘chargé’. Conspirations, arrestations, et morts d’homme se sont produites en cette bonne auberge du village de Vaugirard : 

Ce lieu se trouvant non loin de mon atelier parisien, c’est très naturellement que je me suis senti un devoir de tenir le rôle de la conscience esthétique au sein d’un petit regroupement Citoyen. En propriétaires bien d’aujourd’hui, pour la sauvegarde de leur lopin de pierre, ils avaient fondé une Association du Soleil d’Or (loi 1901) qui s’était donnée pour mission :  « la préservation des immeubles à caractère pittoresque (…)» site historique, patrimoine national et local. 

On imagine facilement : – Le bâti ancien était devenu une ruine avec deux voies pavées très anciennes (peut-être exceptionnelles dans Paris ?), le tout manifestement pris dans une mutation architecturale… L’idée qui a fait débat en 2005 fut d’y répondre par la réhabilitation d’un petit commerce, d’un restaurant, et de logements sociaux de qualité (cf. Conseil de Quartier Cambronne-Garibaldi du 13 oct. 05).

D’une architecture médiocre (mais respectant le plan général du bâti XVIIIe), l’opération s’est surtout caractérisée depuis le ‘démontage prévisionnel des travaux’ (1er trimestre 2007), par un époustouflant catalogue de mauvaises réalisations… Le lieu ‘compliqué’ se trouvant sur d’anciennes carrières sur la voie de charroi de Notre-Dame, la tache fut pour le moins complexe. Et parfois, l’on a même pu se demander si c’était une démonstration de non savoir-faire d’une équipe d’ouvriers mal dirigés, ou si c’était ici la part nécessaire pour une démonstration très contemporaine du genre :  – vous voyez bien qu’on ne sait plus faire !  Pourquoi exiger mieux à si petite échelle ?!  – Il aurait mieux valu tout casser et bâtir neuf, moderne, plutôt que de procéder à une réhabilitation hasardeuse, pleine de déconvenues !

Et, pas à pas, des pétitions ont donc dû être lancées dans le quartier (par exemple, sur les teintes des badigeons de façade, sur l’ordonnance des pavés anciens, ou sur le bon emplacement de l’enseigne). Le tout, avec et sur la croyance utopique :  au final, on nous raconterait « une histoire qui finirait bien » (sic).

Ce 19 novembre 2013 à 14h 15… cerise sur le gâteau de la réhabilitation :  la remise en place de l’enseigne pittoresque.

Et comment ne pas penser qu’une heureuse restauration de l’emblème associatif au soleil d’or serait possible ?

En mars /avril 2009 un artisan de proximité pris en charge le travail, mais il se prit au jeu d’aujourd’hui de la tavola rasa… pour ne livrer en définitive  – et ce malgré ma réprobation nette et sans faille d’alors –,  que de la feuille d’or et du bleu primaire à l’association… ‘dans un goût bling-bling’.

La question de la restauration d’une œuvre d’artisanat d’art ou de l’Art est chose complexe ;  elle est souvent riche de choix multiples (plus ou moins souhaitables !) mais dont la finalité est essentiellement esthétique… et porteuse de sens. C’est donc souvent une affirmation de vision et de choix que les contemporains se donnent sur les temps passés, et la Restauration d’un visuel s’inscrit toujours comme un marqueur du mental d’une civilisation donnée à un moment particulier de connaissances…  André Malraux écrivait donc « nul ne peut échapper à son ombre portée », même si elle tend à l’objectivité savante. Or ici, en l’occurrence… !? 

A présent, une enseigne qui n’est pas (ou plus) celle des origines et qui, suite au décapage jusqu’au bois par l’artisan est : une restauration abusive (un objet !).  Rien qu’un objet de ‘luxe’ vide…  devenu sans âge, hélas…  De plus, livrée non finie par l’artisan…

Que de la matière donc, du futile en guise de souvenir d’une auberge (enseigne sans production de sens utile), si ce n’est grâce à la présence « requise » des plus hautes autorités du lieu : M. Philippe Goujon  et  Mme Anne Hidalgo, respectivement, Maire du 15e arrondissement, et Maire-adjointe (candidate socialiste à la Marie de la capitale) !

Or pourquoi être dans le factice sur un tel lieu « historique », sans le brin vraisemblable ?  Artiste, et naturellement dans l’espérance façon Guillaume 1er d’Orange… j’essayais de convaincre encore dans les jours d’avant l’inauguration (car, après quatre années de repos clandestin et d’oubli dans les locaux de l’ex association), pour cette enseigne ne pouvait-on mieux :

« Je m'adresse à vous, Anne Hidalgo, et au Syndic qui gère la Cour du Soleil d'Or pour avoir l'autorisation, avant que ne soit mis le voile d'inauguration, de passer rapidement un glacis de cire colorée sur le bleu afin d'en restituer la convention héraldique ».

Puis encore, la veille au matin, à l’ensemble des acteurs, par courriel :

« Souvenez-vous de cette "restauration" brutale de l'enseigne du soleil d'Or !   Sur la fin, l'artisan a imposé une sous-couche (bleu de cobalt foncé)  avant le travail final nécessaire qu'il devait à l'association : celui  d'un glacis final à l’encaustique  - bleu de manganèse…  En fait, il se devait après un décapage complet (fort critiquable, voire même barbare...) de rétablir le bleu-roi d'azur  originel.

Teinte héraldique juste qui était, d'ailleurs, présente sur l'état précédent  (confère ci-dessous). Une couleur azur qui, par sa portée affective claire et souriante, correspond bien à la nature solaire de l'or présent :

En haut : état avant « restauration »;  au centre : après réhabilitation (pour l’instant)… état consécutif au non fini chromatique de l’artisan ;  en bas, centre : référence héraldique juste du bleu-roi azur, par exemple, sur l’ancien blason des Bourquin de Bise/Orléans-Longueville, peinture sur porcelaine de Henriette Grandjean-Bourquin ; ou en bas, blason de Clairac en Lot-et-Garonne : « d'azur au soleil rayonnant d'or », devise : « Ville sans roy, soldat sans peur »

A mes yeux experts  – j'ai dû hélas démissionner de l'association (et de mes amis) pour marquer !… –  une "restauration" abstraite mais surtout fausse… (anachronique comme un soleil la nuit !)  et qui en l'état d'erreur est un piège :   une contre vérité chromatique offerte aux autorités de la Mairie du 15ème… !?

Sincèrement imaginez un peu dans une société qui, faute de rigueur sur ses valeurs culturelles et ses convenances, va politiquement vers les extrêmes !  (dans le domaine visuel, c'est l'équivalent d'erreurs grammaticales, de fautes de conjugaison et d'orthographe à la première page d'un dictionnaire).

Après toutes ces luttes sur ce chantier du  226 rue de Vaugirard, c'est vraiment à corriger. N'est-ce pas ? »

Fallait-il croire aux miracles ?  J’ai la foi d’un Guillaume d’Orange…  (je l’ai dit), et finir le courriel par « dans l'attente de votre réponse, veuillez croire… » pouvait aussi se révéler naturel !

A l’époque, pas si lointaine, où la conscience esthétique s’articulait avec la civilité et la courtoisie, sur une culture générale liée aux bonheurs humains dans l’existence, les responsables politiques s’appropriaient naturellement le formellement permis des Arts et menaçaient le peuple par un « il est formellement interdit de… ».. Car, sans convenance formelle dans la Cité, comment bâtir par exemple une cathédrale ? (édifier par plusieurs maîtres d’œuvre…). Et il n’est pas nécessaire de souligner qu’une Ville européenne prouve sa richesse par maintes esthétiques formelles justes en interaction.

J’étais persuadé que les autorités politiques du 15e arrondissement de Paris y seraient sensibles… Il est d’ailleurs encore des puissants capables d’éveils esthétiques et sachant lire avec goût dans les signes artistiques d’un temps donné  – donc de faire la part des choses – lorsqu’un artiste vivant présente l’authenticité ardente d’une certaine passion... De même, jusqu’à preuve du contraire en démocratie, un identique esprit d’ouverture politique pousse à l’honneur souverain de répondre toujours même sur un détail (lorsqu’il ne s’agit pas d’injures !).

Le raisonnement pouvait se tenir, mais aucune réponse ici, ni des uns ni des autres. 

Arrive le jour de l’inauguration. A point nommé la Présidente de l’ex Association du Soleil d’Or explique l’historique de la lutte pour la préservation de l’espace ancien et des hauteurs du bâti respectées, et en guise de réponse dernière sur la proposition de prélever de mon temps de travail pour rétablir la conformité de nature et de couleur, noie le poisson :  sur la 'question polémique du bleu' qui a pris maintenant un 'caractère plus européen' ;  que la pluie, le soleil et la pollution auront vite raison de ce bleu sommaire pour en délaver la teinte foncée !

Dans une situation si consensuelle où :  l’Association, la Droite (UDF) et la Gauche (PS) se sont serrées la main, quiconque n’est pas de l’avis des autorités diverses peut être discrédité, si... C’est d’ailleurs parfois aussi le sort de l’artiste (du moins pour ceux qui aujourd’hui encore mettent le temps long de la civilisation humaine dans leur jeu !). Mais à présent, pour moi ici : « Point n'est besoin d'espérer (…) pour persévérer ».  

Peut-être faut-il alors soutenir :

-que le pragmatiste, le conformisme généralisé et l’infaillibilité pontificale sont de bonnes choses tant que leur rhétorique d’autorité table… sur de l’authentique, sur du vrai. (D’où le « Je maintiendrai » de Guillaume 1er d’Orange-Nassau !) ;

-qu’ayant à refaire fréquemment des œuvres altérées par des conditions climatiques rudes… les artistes orientaux savent que l’importance n’est pas dans l’apparence subie (or c’est le cas de cette enseigne !), mais, me semble-t-il, dans la tradition vécue, le savoir faire, et, surtout…  le  respect fondamental de ce qui est la justesse de l’esprit des choses ;

-qu’il faut connaître le métier pour pouvoir affirmer qu’une telle couleur va s’éclaircir (ainsi qu’il le faudrait ici). De même, qu’il faut savoir qu'une Ferrari sort jaune d'usine... avant sa finition en rouge relativement facile à créer ou à refaire par un carrossier expérimenté. Pour une peinture de qualité, on ne travaille pleinement qu’avec un vaste processus de sous-couches, de couches, de glacis de finition, ou de patines ;

-que la réception esthétique, sensitive et poétique, a ses règles du jeu (travail de l’artiste). Pour le sens commun, il y a, une couleur de nuit pour la nuit !  Idem, il y a une coloration ‘attribut’ pour le jour, le soleil, le roi, le roi-soleil... Car sans le ressenti symbolique nécessaire au mental humain, sans une norme élémentaire bien posée, on ne peut rêver !  C’est le signifié  sensible demandé par les enfants, les fous, et les artistes... Un conventionnel nécessaire pour l'affirmation des libertés créatives ?   

à gauche :  Enseigne burlesque du Soleil d’Or au 226 rue de Vaugirard, Paris 15e  avant les travaux;  à droite, après... (hélas ?) :  – Ne serait-il pas nécessaire que les choses ne se terminent ainsi qu’elles ont commencé... dans d'autres larmes ?

En guise d’enseignement et de conclusion :

Reste à savoir pourquoi il est devenu nécessaire à l’artiste visuel de proclamer l’élémentaire sur le web. Qu’il y a ici, par exemple, non plus question, mais problème.

Assurément, il ne revient pas de placer totalement l’ensemble de telles réflexions ‘esthétiques’ dans la sphère sociale et politique ;  ni de soulever de vieux pavés… Et loin de moi l’idée qu’une nuance de bleu au soleil d’une enseigne soit l’omphalos (le nombril) des questions vives actuelles. Pourtant, de même que chacun en a fait l’expérience aujourd’hui lorsqu’il est utilisateur des technologies numériques, il y a des questions ‘de détail’ qui peuvent aussi apparaître fondamentales. Par exemple, dans la communication contemporaine, une virgule, un point, un clic inappropriés (donc du 'hors normes…') peuvent entraîner automatiquement un processus d’aberrations ou de blocage plus vaste. Et Georges Braque remarquait déjà « L’écho répond à l’écho ; tout se répercute. »

On peut observer que les autorités politiques se sont investies dans ce lieu ; il s’agissait peut-être ainsi de démontrer leurs capacités à bien gérer… Et, par tels ou tels petites réhabilitations de quartier d’induire une idée de leur savoir à venir pour les projets architecturaux du ‘Grand Paris’. Par de petits signes s’énonce parfois quelque grand emblème ! 

Certains pensent que le choix du ‘bon bleu’ pour l’enseigne n’est qu’un détail, mais il est aussi possible de le percevoir comme un élément symbolique (digne de considération). Il est remarquable que nous nous retrouvions en tel nœud d’évolution du 15e arrondissement devant une diversité de populations et d’intérêts assez représentative pour en tirer aussi quelque enseignement… D’ailleurs les autorités politiques sont attentives à tout indice symptomatique des mentalités, comme il en est d’une mesure ‘petite’ lors d’un sondage.

Au moins trois générations d’Artistes ont travaillé pour l’essor de la liberté individuelle avec le droit à l’arbitraire comme moyen d’autonomie et de création… D’où, pour l’homme de la rue un certain : 'ça ou ça… au fond, qu’importe !…' Mais à présent, les temps, impératifs, et nécessités n’ont-ils pas changé ? 

On sait maintenant que la modernité est un état de crises non plus transitoire mais  permanent… Aujourd’hui des chercheurs sociologues et psychologues soulignent qu’il y a une crise des normes, une certaine absence de repères et donc, quelque 'aliénation nouvelle'...  « difficulté au jugement et au goût ». Le fait de choisir une couleur selon sa portée affective n’est point un 'conservatisme' mais une volonté de réactiver quelques capacités dans le flux des choses ;  détail emblématique, ce type de petites déstructurations 'en couleur' devenant propices aux glissements faciles vers les intégrismes et les extrémismes.

C’est entrepris et dit ‘comme l’enseigne’ ; espérons donc encore !…

Pyrale du Buis (suite)

Rions, pour ne pas nous lamenter :  – Non, les trois images suivantes ne sont pas des installations contemporaines d’artistes pour le « prix Marcel Duchamp 2013 » ;  ni des provocations du genre :  – Oui à la mise en garde des Citoyens !

Même en pots domestiques, la nature des buis est à présent précaire, voire tragique ou parodique…

Cette première vue le démontre assez bien,  sur l’un des plus aristocratique lieu du 8ème arrondissement de Paris, Avenue Montaigne :
 -soit vous êtes du côté de la richesse, de la prospérité (et vous êtes très vert de culture jardinière), donc privilégié, sauvegardé, traité ;
 -soit on vous êtes laissée au triste sort de la plantes ordinaire : sans soin !

De part et d’autre des portes noires (à deux pas du Plaza Athénée), ne vous y trompez pas. Ce ne sont nullement des buis ‘plaqué or’, mais les signes d’une présence avérée de la Pyrale du Buis. Les chenilles ravageuses ont fait mandibule basse ! Il ne reste que du foin des Buxus… Mais ainsi, combien d’arbustes laissés pour compte font à présent figure de ‘porte avion’ aux papillons Diaphania perspectalis ?

J’ai eu l’honneur de partager avec Christian Dumas, professeur de biotechnologie végétale à l’ENS de Lyon, lors d’une conférence-exposition en 2002, la notion plus ou moins reconnue « d’intelligence végétale » et d’interactions entre l’insecte, la plante et l’humain : Confluence des savoirs. Même si nous vivons sur des rythmes et des durées hétérogènes, le partage des enthousiasmes et des tourments entre l’humain et le végétal est peut-être un concept porteur et d’avenir…  Dans le règne végétal, les Buxus avec leurs petites feuilles sempervirens et leur développement patient nous accompagnent sur le long terme, d’où aussi leur statut particulier de bois sacré ou béni. Ils sont à la fois ‘nobles’ et ‘végétal domestique’ d’excellence.

Illustration de « la petite déconvenue au retour de vacances » :

Or c’est par centaine que cette vision s’est multipliée à Paris en septembre-octobre 2013. Etonnante destinée pour l’âme d’une plante :  robuste et pérenne !

Option 1,   mise sur le trottoir 

Option 2,  une plante éternellement verte (détournement kitsch peint à la bombe)

…Les buis de France à la poubelle ?...

Mais quoiqu’il en soit :  Option suite dès le réveil printanier suivant !

Alerte aux pyrales du buis

chap. 2/2 :   -Comment résister

Certes, le Conseil général des Hauts-de-Seine a fait paraître sur son site internet, le 8 octobre 2012, un avis ‘annexe et marginal’ dans Promenades, au moment où  45 000 buis ont été plantés en grande pompe (et feux d’éclairage), pour la belle restauration du Parc de Sceaux, en l’honneur de l’œuvre d’André Le Nôtre. On y parle effectivement d’un « papillon ravageur ». Mais les propos vécus sont factuels, à peine relus ; puis… rien d’autre ; aucune alerte plus généralisée :

« (…) Sa présence dans les Hauts-de-Seine a été remarquée en 2010 au parc de l'Ile Saint Germain à Issy-les-Moulineaux. Aujourd'hui la pyrale du buis est présente en divers points du département de Boulogne à Neuilly et vraisemblablement sur d'autres communes limitrophes. 

« Les dégâts sont d'abord esthétiques allant du brunissement des feuilles jusqu'à la défoliation totale de la plante. Les larves et les chenilles décapent totalement la surface des feuilles. Le repos hivernal se fait sous forme larvaire dans un cocon entre deux feuilles de buis. L'activité reprend au printemps.

Le buis, espèce indigène, est souvent présent dans nos jardins. On le rencontre en bordure, en topiaire ou en pot libre. Plantés depuis fort longtemps il n'est pas rare de voir de très vieux sujets.

Afin de prévenir son invasion il est important de surveiller sa présence et de l'éliminer.
 Comme toute espèce exotique envahissante nouvelle il n'y a pas de prédateur naturel. Les moyens de lutte consistent à éliminer manuellement les chenilles, à circonscrire les buis atteints et à pulvériser une solution à base de Bacillus thuringiensis tous les dix jours jusqu'à complète disparition des chenilles. Cet insecticide biologique est disponible en jardinerie ou en graineterie. »

Dès lors, ‘la ravageuse’ a beau jeu à Paris. Dès juillet /août 2013, la pyrale du buis progresse alors de boule en boule, de buis en buis, de cône en cône, et voilà de beaux buis vert persistant à présent comme chauves ou fanés. Au fond, c’est une des plaies apocalyptiques de rentrée !

Voici ‘mon’ témoignage, le 10 août 2013 à 14:34 : « Nous vous signalons la présence du 'pyrale du buis' dans nos jardins situés dans le quartier Cambronne/Vaugirard, Paris 15e - 

Il y a trois semaines, dans les nouveaux buis de décor d'un restaurant voisin, puis, cette semaine, un buis non taillé de plus de 25 ans, ravagé en trois jours en mon absence (…).

Pour ma part, j'ai procédé à une taille sévère et détruit toutes les chenilles vivantes au mouchoir en papier – il y en avait peut-être bien plus d’une centaine –  ainsi que celles faisant astucieusement leur cocon, tel un sandwich, dans les feuilles d’un hortensia voisin. Le tout a été emballé hermétiquement (dans double sac) et mis aux ordures pour incinération.

Il semble qu'elles auraient goûté aussi à des fougères grand-aigle, et à quelques feuilles de rosier au passage, mais sans y demeurer…

J'ai constaté que des buis du voisinage (dans  cet arrondissement sur la route de Versailles) étaient touchés aussi, puis tenté de responsabiliser leurs propriétaires présents en ces jours de vacances sur Paris. »

Plusieurs réponses à mes envois ciblés par courriel valent la peine d’être citées. Par exemple, celle de l’Association SAE, mouvement créé en Alsace lors des premières manifestations graves d’une présence de la pyrale en Europe. Une réponse immédiate, précise, professionnelle, m’est parvenue en retour  (cf. le contact en liens) ;  celle de Natureparif, organisme dédié, entre autre, à de fines réflexions ou de bonnes conférences savantes et d’éveil à la Nature sur Paris ; celle d’une amie, présidente de l’association Guest and Garden, en lien direct avec Villandry ;  etc.

Mais aussi, j’ai perçu de lourds silences d’autorités compétentes, non réponses peut-être significatives ?   Il faut que je vous livre ici la teneur chargée de certaines réponses :

 – de Natureparif : « Merci pour votre message, que j’ai transmis à nos naturalistes. Je vous transmets ci-dessous leur réponse :

« Le buis est une plante naturalisée en Île-de-France, donc importée… tout comme la Pyrale.

Certes, la pyrale cause des dégâts contre lesquels les jardiniers doivent se prémunir aujourd’hui, mais nul doute que, comme ce fut le cas ces dernières décennies pour de très nombreuses espèces nouvellement arrivées en France, la Pyrale du buis va se heurter dans les années à venir à de nouveaux prédateurs (à l’image des mésanges qui cherchent spécifiquement sous les feuilles des marronniers et se régalent aujourd’hui des larves de mineuses).

« Ce n’est pas notre rôle  à Natureparif d’influer sur les pratiques horticoles ».

Certains éléments énoncés ou suggérés dans cette réponse intriguent et peuvent laisser circonspect. Or en seconde lecture bien des choses suggérées…

A ma connaissance, le Buis, plante sacrée – originaire d’Europe méridionale – devait être utilisé par les druides ou les thérapeutes de l’empire romain comme plante médicinale. Le buis qui contient des alcaloïdes est fébrifuge ;  il permet de lutter contre la fièvre lors de crises de malaria (avant la découverte de la quinine), il est utilisé avec précaution lors de traitements des inflammations urinaires et biliaires. Or, le Buis vert ­– lié à l’emblème des souffrances humaines sublimées – c’est aussi pour les chrétiens :  le ‘bois béni’  des Rameaux !

Par ailleurs, il est nécessaire de mettre les choses de la Nature en perspective sur un temps long… c’est l’esprit général des savants de Natureparif. Mais ici les dégâts vont à une vitesse terrifiante, inouïe… Cet épisode ne révèle-t-il pas un décalage exemplaire entre certaines réalités contemporaines et  les voies de l’évolution ?  Ces buis pérennes, souvent plus que meurtris, reverdiront-ils un jour après le passage des chenilles ravageuses qui ne vont nullement à pas de limace ?

Il serait bien d’imaginer des rapports à la Nature permettant d’intervenir préventivement par l’attentif !… Par ailleurs, peut-on faire confiance ici  au ‘travail’ des passereaux et d’autres insectes auxiliaires du jardinier alors que, précisément, la mortalité des petits oiseaux est préoccupante en 2013, que les guêpes orientales ne sont pas des plus appropriées ici, et que ‘nos’ abeilles sont fragilisées !

Or la réponse des naturalistes évoque peut-être sans oser aller plus avant quelques secrets mettant mal à l’aise, c’est-à-dire : il ne nous revient pas ‘d’influer sur les pratiques horticoles’. En premier lieu, voyons le contenu pragmatique d’une autre réponse complémentaire et de qualité.

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Voici deux exemples de la plasticité formidable de  Buxus sempervirens laissé à son libre essor sauvage sur un temps long. Cliché de gauche: une Boule ‘naturelle’ d’un Buis de plus de 5m confrontée ici avec le tronc d’un Chêne adulte voisin (frère en plantation ?) ;  et visuel de droite : l’un des monuments du Jardin à l’anglaise de Bagatelle, une vaste allée de buis ‘en petite cathédrale’ menant à la fameuse Roseraie. Elle est à présent sous haute surveillance, mais… !   

L'Association, Parcs et Jardins de la Région Centre (APJRC) qui ne dramatise pas mais vit à présent dans l’angoisse objective, titre :  ALERTE AUX BUIS ! :  « La pyrale sévit en région parisienne. Les dégâts causés par la pyrale du buis sont considérables. Elle détruit un très grand nombre d’arbustes et peut dénuder une haie en une saison. En plus, de défolier entièrement l’arbuste en dévorant l’intégralité du feuillage, les chenilles altèrent l’aspect esthétique du buis en lui conférant une couleur brunâtre, en dévorant l’écorce verte.

 « Les symptômes pouvant être confondus avec une attaque fongique, l’invasion ne se remarque que tardivement, généralement lors de la deuxième génération. (…)

« Pour lutter, il est impératif de contrôler régulièrement à partir du mois de mars, le feuillage, afin de déceler une éventuelle présence de chenilles. A petite échelle, les chenilles peuvent être régulièrement récupérées à la main pour être détruites. La mise en place de pièges à phéromones pour attirer les papillons mâles est une mesure de détection précoce, qui permet également d’optimiser les dates de traitement. La lutte biologique est à privilégier et des préparations bactériennes à base de Bacillus thuringiensis var. (Kurstaki) sont disponibles dans le commerce.

«  Les applications par pulvérisation doivent s’effectuer dès l’apparition des premières larves. En général, 2 à 3 interventions sont nécessaires pour éradiquer une génération de chenilles. »

Dans la Région centre, encore épargnée présentement par la Pyrale du buis (lieu où tant de châteaux historiques et de belles demeures ont leur complément ornemental de buis depuis la Renaissance), il existe des pépiniéristes qui travaillent encore cette plante, selon la tradition respectée de la pousse naturelle et lente… Mais ailleurs, le productivisme de l’horticulture contemporaine est-il en fait la cause des premières attaques du buis ?

Certes, la tentation d’importer est, disons, naturelle. Du naturel économique sans doute ;  du libre échange, du nécessaire !?

Or, en consultant la carte de France repérons les foyers présents :  (Bâle-Mulhouse depuis 2008)  l’Alsace ;  l’Ile-de-France ;  Poitou-Charentes ; Midi-Pyrénées ; la Région PACA.  Mais cette peste… sur le végétal  ne va pas inéluctablement du Nord au Sud !

Plusieurs éléments et facteurs sont en œuvre. En l’occurrence, dans chaque zone où l’insecte arrive il y a un identique mélange détonnant :

- des lieux de possible fret d’aéroports… Or l’homme de la rue ignore souvent ceci :  aujourd’hui la terre et les plantes ‘prennent l’avion’ communément !

- puis ce sont des pratiques tout aussi actuelles, hors nature ! Certaines plantes de serres sont  forcées sous lumière artificielle continue. Car à quoi bon leur accorder le respect des rythmes solaires et de repos ? Il en résulte des plants souvent fragiles, réceptifs aux parasites et… accueillants aux insectes.

- ensuite, c’est la promiscuité après l’envol qui est à l’œuvre… Beaucoup de transports en camion, en pot, etc. !?  En divers magasins d’horticulture et grandes surfaces en France, l’on voit maintes importations à grande échelle de buis ‘nouveaux’ (par exemple de  Belgique et des Pays-Bas) pour les jeunes plants. Mais aussi des formes de buis fameuses, dites à la française, purs produits issus de l’Art des topiaires 2013, végétaux de plus en plus souvent importés de Chine ou de Corée, etc. Donc du ‘naturalisé’ avec peut-être la Pyrale du Buis ‘en prime’ ?

Mondialisation ou pas, ‘nos’ domaines de buis ne devraient-ils pas être, pour le moins, préservés par une quarantaine sanitaire ?

 Qu’importe, il ne faut surtout pas le dire… Ce sont les lois présentes du libre échange qui font la vie contemporaine !  Même au Journal du 20h, on donne dans une idéocratie légère. Il n’y est question que de « petite déconvenue au retour de vacances » (Vacances touristiques en Asie s’y ça se trouve !). Et voici la prophétie finale de  TF1 à la veille du 1er septembre :  « Malgré les traitements, rien n’arrêtera l’expansion de ce papillon qui ne dispose d’aucun prédateur naturel sur notre territoire » (dans l’occultation quasi générale…  quelle information préventive ?).

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Bosquet d’Apollon à Versailles : gros plan sur une pousse lente du buis, Buxus sempervirens qui, en période d’équinoxe d’automne, confère tous les stades ‘décoratifs’ de la croissance du bourgeon végétal… au moment de la graine (septembre 2013).

Objectivement, que peut-on faire aujourd’hui ? Sur une carte de France, il convient de remarquer que les divers foyers d’invasion – même s’ils deviennent brasiers – sont encore distants les uns des autres en terme de vol d’avion (ou d’oiseaux migrateurs), avant leur expansion par vol de papillons.

Certes, Diaphania perspectalis vit environ une semaine ; il est fécond (200 à 300 œufs à certaine ponte !) et ce, pour des chenilles particulièrement voraces. Sous nos climats en Europe occidentale, trois ou quatre générations de chenilles dévorantes par an se peuvent… Le cycle de la chenille dure environ 4 semaines, par vagues successives entre juin et septembre/octobre ; il paraîtrait à présent que les chenilles de la dernière génération avant l’hiver ne mesureraient qu’un centimètre de longueur ! Pour l’observateur attentif, petites elles sont repérables en surface des feuilles dont elles mangent la part luisante et verte, la transformant en tache verte blafarde… Parfois les larves, après l’hivernage des chrysalides, se manifestent dès mars.

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Encore peu visible aux passants,  stade de première attaque de quelques chenilles éparses ;  par exemple ici, les nymphes sont cachées entre deux feuilles dans certains buis du Bosquet d’Apollon à Versailles, tout comme au Jardin du Luxembourg non loin du verger du Sénat… En bonnes mains jardinières sans doute, peut-être traitées… !

Toutefois on peut s’interroger en cette année Le Nôtre sur le nombre de jardins patrimoniaux déjà en péril dès cet automne ?  

Quelque soit notre goût les buis sont l’élément fondamental du dessin jardinier. Dans l’histoire des jardins, les effets d’encadrement des massifs construits sur plusieurs niveaux de terre, toujours très commodes avec ce végétal persistant à fortes ramifications, permettent un bon drainage ; une possibilité esthétique et fonctionnelle qui confère la grandeur des parterres décoratifs à la française ;  or sans autre végétal de substitution (sans alternative aussi riche !), c’est la meilleure part de l’Art des topiaires en buis qui est plus que remise en cause.

Pour ma part j’ai vu pour la première fois « très nettement » ce type de chenilles vertes ravageuses au travail dans… le Jardin japonais du musée Albert Kahn, (Hauts-de-Seine); mais sans en saisir le dynamisme ni percevoir la calamité, je me souviens l’avoir respectée dans l’idée qu’elle deviendrait peut-être un beau papillon ! Mais ainsi s’expliquait ce que j’avais vu au Parc de Bagatelle… L’information subjective n’était que suppositions. 

A présent, bien que sans conscience scientifique véritable et professionnelle, je comprends mieux d’après mes observations, mes interrogations de personnes étonnantes du domaine jardinier, et le recoupement des sources encore peu nombreuses sur Internet, que dans un premier temps les chenilles ont trouvé bien des facilités gustatives dans et sur des plants forcés, cultivés sous ‘les printemps artificiels’ des serres !  Est-ce une question d’alcaloïde si, par exemple, Buxus sufruticosa (buis nain vu au jardin Albert Kahn) est un de leur foyer préféré ? Les chenilles du pyrale du buis s’y dévoilent monstrueusement gloutonnes. Et pour satisfaire cet appétit là, combien de buis d’importation diverse aux jeunes pousses vert tendre ? 

 Au premier stade, les pyrales de première génération sont encore à peine visibles (voire même farouches !). Puis, dès la génération suivante, c’est-à-dire, quatre à cinq semaines après, souvent à leur rencontre de buis bien ‘lissés à la française’, il y a déjà comme une autre stratégie :  des mutations de visibilité !?

On peut penser que la taille jardinière des buis préserve quelque peu (leurs feuilles souvent minuscules sont extérieures, telles ‘une calotte’). Concrètement, il n’y a que de petites feuilles en surface ‘à brouter’, et elles sont peut-être coriaces sur les parties hautes des végétaux bien formés. C’est donc au cœur de la topiaire des buis que progresse l’insecte. Les pyrales s’en prennent ainsi à tout ce qui est vert sur les écorces des branches  (sur les haies linéaires c’est du plus mauvaise effet… cela va sans dire !). Buissons et boules ‘toujours verts’ deviennent alors en grande partie ‘blond sec’ comme les blés !…

Phénomène courant chez les chenilles,  les pyrales ne grignotent qu’en partie, de-ci de-là ; mais ici, elles semblent ouvrir des portes… Certes, pour cette entrée en matière les papillons ont relativement peu pondu d’œufs au même endroit ;  d’où, tout juste des plaies faisant croire à quelques accidents sans gravité…

Or ce sont des enclaves d’avant-garde. Puis dès la génération à venir, tout s’amplifie ;  après leur métamorphose, les papillons nouveaux vont pouvoir y pondre amplement, copieusement.

Après un premier temps de colonisation discrète, les larves émergent, nombreuses, par groupes et par centaines.  Peu après la ponte… leurs têtes noires se forment au sein ‘d’œufs au plat‘ miniatures… Elles sortent alors rapidement du dessous des feuilles pour phagocyter les buis aux frontières plus ouvertes. Il y a peut-être des goûts de buis préférés, ou des accès plus commodes… Au départ, pour bien les voir il faut parfois écarter la ramification. Mais, très vite, les larves peuvent être nettement observées tout à leur travail glouton, par exemple dans des buis sempervirens non taillés, plus rustiques (espèce indigène de grande taille), dans nos bois, jardins ou parcs.

Après une arrivée en petit nombre (d’une timidité simple), les insectes conquièrent opportunément, se fortifient, puis ravagent. – Activité, temps de repos faisant croire que le végétal est hors de danger. Puis, nouveau développement :  les cycles s'amplifient !  Et c'est alors par centaines de chenilles,  parfois regroupées 'en banc' sur quelque buis vénérable, qu'il faut les !?… Or, sans lutte véritable, précise, appropriée, organisée, planifiée… s'envolera toujours le ou les papillons assurants l’avenir d'une défoliation généralisée en toute la France. Leur expansion actuelle est trop comme une conquête sans résistance !

Les chenilles deviennent alors spectaculaires ; leur effet de nombre épouvante !  Comme protégées par notre lenteur à réaliser, puis, à réagir, c’est par notre vision de dégoût (d’effroi et de fascination) que ça passe. La pyrale du buis ne laisse alors que des squames et des crottes grises à terre… ou prises dans leurs soies… On s’interroge. Combien de buis précieux français, toujours  de pousse relativement lente en milieu naturel, vont y passer ?

Au fond, c’est une donnée riche d’enseignement… l’insecte vient d’Extrême Orient (de Chine ?). En Occident, nous ne sommes plus à l’époque des croyances en la ‘génération spontanée’,  ni du ‘péril jaune’ !  Mais l’attitude de réalisme pessimiste, donc de manque de résistance lucide, laisse songeur.

A présent à Paris, là où les femelles pondent il y a forcément ‘le mieux’ des sources d’attraction, fragrances du buis ou lumières fascinantes de la Ville. Il m’est aussi apparu qu’en fait, ce papillon, dit nocturne, dormait à peine de jour, lorsqu’il s’est agi de l’approcher au matin ou en fin d’après-midi pour le photographier. De plus, son pouvoir d’adaptation et ‘d’opportunisme vital’ m’a surpris !

Devant tel phénomène, nous n’opposons que nos habitudes de luttes occidentales, individuelles, cherchant  avis et conseil propre… ‘disponible dans le commerce’ pour traiter ‘curativement’.  – Notre chimie ?!  Il y aura toujours un produit de ‘rêve’ à nous vendre !  Actuellement, la chimie dite BIO est là… Des remèdes locaux, plus ou moins « biologiques ou chimiques » sont proposés (en toute discrétion bien sûr !...).

 

Certes, le problème est complexe. Alors pourquoi ne pas utiliser une méthode opiniâtre ‘à la chinoise’ pour juguler ici ?

Celle d’un esprit de finesse face à l’expansionnisme de ce défoliant naturel consterne. Dès lors, est-ce juste de titrer :  « La guerre à la pyrale du buis est déclarée » (Le Parisien du 23 août 2013). La solution de pulvériser sur les végétaux une ‘solution’ biologique :  le Bacillus thuringiensis,  existe. Mais ce n’est peut-être pas sans risque divers, rétroaction, ni la panacée dans nos comportements occidentaux ?  Mais avant tout, c’est technique ; ‘la combinaison de survie’ est nécessaire pour opérer… Et ce n’est peut-être pas sérieux de se confronter encore à de telles prises de risque !  D’autre part, les pièges à phéromone sont vite trop petits, hélas. D’ailleurs, en marge de ces traitements (astreignants), les pyrales continuent de progresser… générations après générations.

A priori, ce n’est que la petite histoire d’un noble végétal éliminé à terme  par  ‘un insecte beau comme la mort’.

Nul problème pour la Santé publique ne motive ici les politiques ;  c’est tout juste si la grande majorité des ‘hommes de la rue’ paraît attentif à l’existence de Buxus sempervirens et autres bestioles du même genre esthétique !  Mais dès que l’on parle de la présence du buis dans nos vies,  c’est beaucoup plus que la disparition d’une espèce végétale ou de l’abattage des vaches folles ou des poulets. Le patrimoine de buis nous accompagne esthétiquement, dans la civilisation humaine, comme il en est des chiens et des chats domestiques  ­– un Fait nécessaire pour une vie agréable et bonne ?

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L’identité culturelle des Jardins à la française est certainement en péril ! Dans mon tableau photo  - Pluie froide sertie -  œuvre réalisée à Villandry pour mon exposition, c’est richesse et proposition aux regards attentifs... Voir par exemple les ‘carnations vertes’, le climat chromatique de tels buis jardiniers… (cf. http://villandry.etienne-trouvers.com)

On peut imaginer – mieux que jamais autrefois – que ce problème demande un engagement. Non plus les réponses simples et dogmatiques habituelles, mais une diversité de solutions adaptées aux phases successives de l’effet et du papillon…

Plutôt qu’une occultation relative, ne peut-on susciter les forces solidaires en ce cas de péril d’un ‘fleuron’ du patrimoine français ? Ne peut-on faire appel au principe de responsabilisation des consciences associatives, au service des bonnes volontés écolo ou aux travaux pratiques du scoutisme dans ce cas d’une grande cause de survie ? C’est peut-être une belle part de nous-même à défendre avec les possibilités des : GPS, e-mail et autres moyens SMS actuels pour établir un fondement d’action – faire aussi bien que ce papillon  Diaphania perspectalis
 –, une cartographie de la présence des buis sur tout le territoire (particulièrement aux frontières des zones de bouffe !). Il est encore temps. « Ce ravageur cause d’importants dégâts physiologiques, esthétiques et économiques sur les buis. »

En complément pratique, il serait bien ici que les autorités compétentes nous permettent d’y apporter telle ou telle de ces solutions douces :

-le ramassage à l’oriental des larves, ainsi qu’il en a été du Charançon andin de la pomme de terre (perçu comme cause de risque pour la survie alimentaire !), dans le style cueillette des premières feuilles du thé en extrême orient… (avec ou sans gant, avec un aspirateur, parfois un escabeau), par chance, et c’est à répéter, cette pyrale n’est pas urticante ;  de plus, contrairement à d’autres cas de quasi disparition végétal d’arbres européens, elle se tient à portée de mains ; des jeux piquants d’observation de la nature ou de découvertes amusantes en famille peuvent aussi être un ressort efficace ;

  -l’attraction nocturne sur drap éclairé pour la capture de l’insecte diaphane, en l’occurrence les chasseurs sont armés de filets à papillon… (si le drap est imprégné du phéromone des pyrales et de la fragrance du buis, quel gain de temps !) ; cette technique est gratifiante sachant que chaque papillon attrapé vous évitera 200 à 250 œufs ;

-mais aussi, tout simplement, la préservation sous plastiques percés de petits trous d’aération pour la plante à titre de prophylaxie aux moments, repérables, de la ponte (il semblerait que le feuillage du buis peut aussi être vaporisé d’huile de colza en complément  ce qui va empéguer utilement l’insecte et neutraliser ici sa ponte !) ; un produit, utilisé en agriculture Biologique, à base d’huile de colza et de pyrèthres naturels existe.

Mais ne soyons pas plus dogmatiques que les faits et gestes naturels ! Quelle autorité responsable va prêcher le réveil et la résistance ‘naturelle’ pour notre dignité humaine ? On imagine ici avec quels accents sublimes un Ministre d’Etat chargé des affaires Culturelles serait monté au créneau pour la défense d’un élément fondamental de notre histoire esthétique, pour que soit menée en France une action résolue !  L’homme avait une idée des relativités artistiques mondiales, mais pas de l’impuissance française…  Il y faudrait à présent, tel ou tel personnage médiatique, cathodique ou télévisuel, dit-on ; peut-être avec des propos sur les grands équilibres naturels, les interactions, et nos devoirs d’humains pour éviter le pire aux générations futures… Mais, quoiqu’il en soit : à vos chenilles, nymphes, chrysalides et  papillons, Citoyens !

Etienne TROUVERS