Alerte aux pyrales du buis

chap. 1/2 :   -Premiers aspects

Evénement peut-être effroyable dans le végétal ?!   Parterres fantastiques, haies à la française, arbrisseaux de caractère, nos buis, ce bien précieux du patrimoine esthétique végétal, viennent d’être gravement atteints en Ile-de-France…

Les buis, c’est l’impeccable dans tel ou tel jardin, du ‘tous en un’ sur des mètres linéaires, en verdure forte, sourde, taillée, dessinée, mais aussi de suprêmes arbrisseaux, individualités aux ramures ‘nerveuses’,  de quatre à six mètres. Or, voici Le Buis  (Buxus sempervirens , Buxus sufruticosa , Buxus colchica , etc.), végétal  aux feuilles superbement vernissées, persistantes, opposées, devenant de plus en plus victime d’un ravage.

Et voyez plutôt, 2013, en cette année de réflexions savantes pour le quadri-centenaire d’une naissance… il y a comme des nids de possible destruction partout… ceci, tout en commémorant les beautés classiques d’un Jardinier de génie :  André Le Nôtre. Lui qui a fait du buis à la française un élément emblématique de l’excellence !

Des buis de toutes tailles, à présent, il y en a partout.  C’est mode ! Et c’est si ‘beau’ ce symbole-là : vert éternel (sempervirens), toujours vert de jeunesse, de vie, de savoir faire en tradition horticole !   – Même caricatural… en ‘nain de jardin’, néanmoins il a grande allure… n’est-ce pas ?  Une belle boule, deux boules, trois boules… voire même plus, selon. C’est l’émerveillement (parfois corollaire du nombre d’étoiles d’un établissement) ! Les antiquaires, les devantures de magasins chics et de restaurants snob, ou de vrais hôtels de luxe ont leurs gardiens en grande tenue verte à l’entrée.

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 « Non Madame, Monsieur, nos Buis ne sont pas encore en plastique comme chez le coiffeur d’en face (paraît-il), ‘en trompe l’œil sur la voie publique’ !  En l’occurrence,  pour nettement marquer le bien recevoir dès l’entrée du Boulevard, notre porte d’Hôtel est ainsi apparentée à celle des fameux châteaux de Vaux-le-Vicomte, Versailles, Sceaux…

« Car Pensez plutôt ! Nous, nous survivons malgré ‘l’info’ que je viens d’entendre au 20h de TF1 (le 31 août 2013), et prenons les moyens de bien recevoir et traiter l’hôte de passage, par exemple, de Chine, de Corée... Ironie, nos nouveaux Buxus… verts sont aussi importés d’Asie !

« Ici monsieur le Directeur  aime ‘tous les emblèmes en un’ :   La France, sa culture, sa raison et l’esprit toujours bien taillé de la maison (avec sa prestigieuse ouverture au monde).  Et, remarquez bien nos buis, dans un vase bleu mer méditerranée, support de très vastes Globes verts !».

D’ailleurs, dans combien de jardins de la Ville de Paris plus ou moins fameux ou secrets, nos buis patrimoniaux – inscrits pour le moins à l’affectif de nos consciences – sont à signaler comme ruinés, ou déjà mortellement bouffés à plus de quatre-vingt pour cent ? Leur feuillage plus ou moins minuscule, vernissé et persistant métamorphosé en grains de déjection, en brûlures sèches, impossibles… jusqu’aux branches fanées… ;  nécessiteuses… ;   avec de plus en plus souvent des centaines de chenilles prospères… ;  d’abord à peine visibles… ;  puis à leur travail de grignotage un peu comme des enfants tout à leur gâteau de fête !… bien présentes avant l’opération plus secrète de la nymphe.  Car ce sont ici des chenilles spécialistes, dites : ‘pyrale du buis’ parasitant les éléments vitaux du végétal, son feuillage de toujours !

A ce stade de conscience, l’élément buis est ravagé très rapidement, car les Diaphana perspectalis (ou Cydalima perspectalis), sont des insectes ‘spécialistes’ sans prédateurs indigènes. Ces chenilles sont inconnues des oiseaux ou autres chasseurs de nos climats... et le seront-elle toujours ? Pourtant elles ne sont pas urticantes ;  on peut les écraser assez facilement à la main. Leur introduction accidentelle en France laisse assez songeur…

D’où vient cette chenille vorace ? Originaire d’Asie dit-on à présent. Peut-être de Chine ?  Par exemple, au cœur de la France, il semblerait qu’au Jardin de Bagatelle (dans le bois de Boulogne), le ravage végétal ait commencé… il y a trois ans déjà !  Pour ma part, grand amateur des bonheurs procurés par les Espaces verts et leur environnement, je me souviens de mon ressenti d’alors à Bagatelle. Une impression fort désagréable, morbide comme à l’annonce du cancer ou du sida d’un être cher dont la présence charge.

 Alors, en 2010, je sortais tout juste d’un riche vécu aux Château et Jardin de Villandry, au cœur de l’un des plus superbes ensembles de buis taillés qui soient !... Dans cette contrariété douloureuse, j’ai donc détourné les yeux des espaces touchés. Que faire en effet ?  Car le spectacle en était déjà devenu pour moi terrifiant :

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En lieu et place de buis taillés ‘toujours verts’, que reste-t-il à présent pour nos yeux ? Juste de quoi pleurer. Quelques crêtes de survie végétale et le reste… Assurément comme jamais chose vue en France en ce domaine ? Mais, artiste visuel, ma compétence n’était en l’occurrence qu’esthétique !

Je m’en suis ouvert à des amis jardiniers. N’ont-ils pas, eux, le ressenti du vécu au quotidien ? Ne sont-ils pas la main travailleuse en leur domaine pour l’histoire des jardins ?  Ils savent bien quel trésor est une pousse lente accompagnée de générations de soins. Et ce qu’elle a créé :  un précieux patrimoine de Buis et un modèle :  un fait de Beauté avant même que notre naissance le perçoive et le goûte en tout… Nous avons alors pu parler ensemble de cette plasticité taillée toujours inouïe ;  et du superbe travail observé au Jardin de Villandry, par exemple. Et eux de me dire en leur langage (que j’interprète ici avec mes mots de peintre) :

 – « Oui, c’est un ami doux de la famille des œuvres d’art et de la civilisation, ces jolies épousailles de nos maîtres jardiniers avec ‘leur’ buis ;   de l’impeccable au château !  Mais comment font-il là-bas ?  Ici, l’idéocratie nous fait de moins en moins confiance ; les gens des bureaux… méprisent, ignorent. Si vous saviez qu’elles sont les directives actuelles à la Ville-de-Paris… Il paraît qu’il est impossible d’avoir les produits chimiques pour traiter… même le phytosanitaire ou le biologique sont sous ‘haute surveillance dogmatique !…’ Certes nous observons un retour écologique de certaines petites bestioles utiles ou plaisantes. C’est bien !  Mais voyez partout l’état des jardins en Ville. Même les visiteurs étrangers le remarquent et le disent. La barre est moins haute ! Regardez ne serait-ce que l’état des chemins et celui des pelouses sur Paris. Bientôt tout va se confondre… Sous peu les emplois de gardiens de square seront ‘hors champ’ (Peut-être par ‘mesure économique’ ou par permissivité démagogique ?) ;  en haut lieu, il paraît que les politiques ont planifié la disparition sans renouvellement de postes. Mais vaut-il mieux payer de tels emplois au chômage ?  Au lieu de gardiens de squares – du préventif comme pour telle lutte ou principe de  conservation  – on envoie tôt ou tard la voierie les jours de grand vent pour le ramassage…  Au fond, c’est intéressant cette histoire de pyrale du buis, nous travaillons de plus en plus dans la contrariété antinature !

«  Et sous peu, quel bilan vert ?  Il faudrait au moins quelques éléments d’attention nécessaire à la vie concrète par les ‘cols blancs’ !  Pour Paris, à ma connaissance, c’est misère actuellement pour le devoir d’agrément esthétique des petits jardins. Hors les proclamations médiatiques, le jardinier de proximité n’a même plus de vrais crédits, paraît-il, pour les plantations à venir, donc plus l’appétence pour bien travailler !  Des arbres pluri-centenaires meurent, certes, ou sont coupés à terme. C’est la vie ! ça laisse la place à d’autres végétaux. Il faut peut-être prendre de la distance ? 

«  Mais je pense que les Agents de Maîtrise paysager de Bagatelle sont ici des pointures. Il faut leur faire confiance !»  

– « Mais revenons à la question vive, dis-je : Les Buis, nos Buxus… l’attention qu’on leur porte de haute tradition et de Culture, c’est tout autre chose… n’est-ce pas ?  Voyez plutôt l’enthousiasme nutritif de cette Pyrale du buis...  Des dégâts d’une telle rapidité dans le domaine végétal,  de l’inouï, du démoniaque ?!

 « Je crois bien que je peux vous montrer ici, une femelle (à tête ronde comme des écouteurs) et un mâle superbe (avec un V et un trait continu sur son dos) ; tous deux paraissent comme fous de travail alimentaire ;  mais photographiés – hélas ! – fin août de cette année 2013, aux abords même du fameux Jardin de Bagatelle qui dépend de la Direction de Espaces Verts et de l’Environnement de la MAIRIE DE PARIS. Là-bas les buis du Parc ont été traités… certes. Or voici qu’à vingt mètres du mur d’enceinte du dit Parc, c’est ‘par dizaines’ que l’on peut manifestement les cueillir dans le bois attenant ;  par exemple, sur l’un ou l’autre des grands buis sauvages de 4 mètres de haut » :

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Mes clichés illustrent assez bien l’ardeur au travail des chenilles, dites : Pyrales du buis, larves de 5 cm qui vont devenir après la métamorphose en chrysalide, de très diaphanes papillons :  Diaphania perspectalis

Chenille :  Elle est reconnaissable à sa tête noire luisante et son corps vert clair, strié longitudinalement de vert foncé. 
On notera la présence de verrues noires et de longs poils blancs isolés. Ces larves ne sont pas urticantes. 
Les pattes abdominales sont au nombre de 10.

Nymphe :  La nymphe mesure 21 mm de long, de couleur brune. Elle est protégée par un cocon de feuilles et de soie.

(Extraits de l’article présent à ce jour, en ligne, sur Wikipédia)

Mais c’est plus fort que ça.  On m’a rapporté que depuis trois ans les jardiniers du jardin de Bagatelle se battent auprès de la Direction des Espaces verts. Ils ont dû produire des preuves incontournables de ravages en haut lieu pour obtenir une ligne budgétaire adéquat : « exceptionnelle »  – peut-être y prend-on très à cœur les idées écolos de l’Environnement par des consignes dogmatiques ?  La question de ce ‘défoliant naturel’ est devenue d’ailleurs assez  complexe puisque l’espèce a été « inscrite sur la liste d’alerte de l’Organisation Européenne et méditerranéenne pour la Protection des Plantes en 2007, puis retirée en 2011 au vu de son expansion ». Cet ‘immigré clandestin’ n’a donc plus de statut !

 L’on ne sait comment se battre devant une telle chenille ravageuse. En 2010 des mesures ‘prophylactiques’ ne se pouvaient-elles  comme face à un incendie à son départ… Or ici, c’est à l’image du dogme de Tchernobyl :  aucune information pour le grand public ne filtre !   Peut-être par amour des papillons ?

 

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Adulte :  L'adulte a une envergure moyenne de 36 mm avec un maximum de 44 mm.  Les ailes sont blanches et brunes avec des irisations dorées et violacées, ce qui le différencie de toutes les espèces autochtones européennes.
 Il n'y a pas de différence extérieure marquée entre deux sexes.


Il existe sous 2 formes : la plus fréquente est blanche et brune avec des reflets violacés.  La moins courante est entièrement brune.

Signalée en Alsace depuis 2008, la pyrale du buis est un fort beau papillon nocturne… n’est-ce pas ?  Diaphania perspectalis
 (ou Cydalima perspectalis) est décrite par Walker dès 1859. Mais sa présence nouvelle en Ile-de-France, intrigue. Et voici l’une des questions à se poser ;  j’ose :  

– Pourquoi ce bel insecte d’Asie  se présente-t-il ainsi à présent en Europe, comme spécialiste mortel de nos buis, trouvant toutes les bonnes conditions d’habitat pour un tel cataclysme ?!

 Certes, la mondialisation est inéluctable (et ‘naturelle’ aux hommes). Dans le monde contemporain, certaines possibilités de voyages d’insectes existent. Mais ensuite… les humains ne peuvent-ils vraiment rien faire ?

C’est une invasion silencieuse !… Or, par exemple, en santé publique, les autorités compétentes n’ont pas hésité... Combien de dispositions, contre la vache folle ou la grippe aviaire ?  On vous retenait avec des gants si vous nourrissiez un cygne sur le bord du lac de Genève !  Et là, ça ne compte pas ?  Aucune alerte orange à la pyrale du buis pour le public ;  c’est la spirale du buis et aucun Arrêté préfectoral aidant les jardiniers responsables à traiter leurs espaces et les abords pour sauvegarder nos biens patrimoniaux végétaux de belle importance !?

Dans le fond, c’est comme si la grande échelle des pompiers n’avait pas la possibilité d’être posée sur l’arrondissement voisin pour éteindre… ce qui n’est pas encore un brasier !

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Certes, l’activité de l’insecte est relatée dans  Info maison  du 25 avril 2013 dont je tire cette illustration, mais les propos sont légers, comme une mise en garde ordinaire pour les bons jardiniers de Chatou.

à suivre chap. 2 : Comment résister