Résistance mentale

La Liberté dans nos vies ou la Sécurité au quotidien  pour les grandes villes et les lieux stratégiques de France ? – telle serait l’une des questions d’aujourd’hui.

En fait, combien de fois dans nos vies présentes, dans chacun de nos déplacements en métropole sommes-nous piqués par la ‘voix neutre’ d’un haut parleur qui lance : – « pour votre sécurité,  ne… etc. » !?

Assurément, puisque la capitale vient d’être à nouveau « ensanglantée par le déchainement d’une violence bestiale dépourvue de la moindre trace de sentiment humain, une violence où s’expriment la haine de la vie et la détestation de la liberté », pourquoi ne pas faire confiance, par exemple, aux autorités de la Mairie de Paris…  (cf. pdf, en lien).

Et, comme l’ont décidé les deux chambres, Assemblée Nationale et Sénat :  – pour trois mois, le Président de la République, le Premier Ministre, les hauts Chefs des armées et les responsables de la Police gouvernent notre pays hors des contre-pouvoirs du parquet, des juges d’instruction ou d’autres instances politiques. C’est l’état d’urgence !

Pour bien vivre cette idée en balance mentale : « Liberté - Sécurité » essayons naïvement d’escorter mon ‘bouclier de… carton’ !

Très rapidement réalisé (ma mère était peintre en lettres)  – conçu et porté pour la minute de silence, le lundi 16 nov. 2015 –  voici le parcours d’un ‘bouclier de carton’ (diaporama de 7 photos, à cliquer). Nous sommes en solidarité, en profonde sympathie avec les victimes, à tout juste une semaine des trois massacres barbares… en une Ville comme Paris. Force serait donc d’y constater que mes stations et arrêts sur images fixes (Place de La République et rue de Charonne) sont livrés à la possibilité esthétique de recueillement.

Ensuite, que dire encore ? Certes, les pensées sont meurtries aux strates profondes des petits bonheurs des Cités ;  une forme de liberté, de présence ardente naturelle, de conscience en la vie est ébranlée par des informations quotidiennes fort négatives, stressantes. Des flots de paroles avant, puis après  « La minute de silence citoyenne ».

Comment calmer le psychique et résister ?  Or bien des esprits de l’intelligence française participent ici à l’élaboration d’une lucidité nouvelle… Ce qui en soi fonde une victoire de l’esprit !

Avec compassion, nos pensées sont d’abord allées aux victimes… évidemment meurtries à vie. Mais aussi aux :

-familles et proches qui sont plongés dans une lutte nouvelle d’épreuves, avec le travail d’un deuil ‘terroriste’ dans les mémoires ;  -témoins, proches, passants, eux aussi traumatisés ;  -personnel soignant sur-sollicité ; -suivi psychologique devant ces traumatismes inouïs dans nos hôpitaux parisiens : raison de vivre ou d’en mourir !  -responsables politiques et forces de l’ordre pris d’un devoir de se hisser… devant un terrorisme effroyable « dans cette guerre déclarée… »(sic) !

Beaucoup de souffrances donc ! Perceptions prises autour de quelques principes métaphoriques de mon petit ‘Bouclier de  carton’ ?

Certes, ce ne sont que des rencontres indirectes en des lieux chargés de présence fantôme : sur la Place de la République et dans le 11e arrondissement de Paris, par exemple. Mais, happés dans notre émotionnel surinformé… Car qu’est-ce que la résistance, face aux têtes complexes, peut-être apocalyptiques, d’une sorte d’hydre de cauchemars ? (cf. la tapisserie de l’Apocalypse d’Angers)

Dans les périls ambiants, je ne suis évidemment qu’un artiste visuel, présent, sensible, mais devenu marginal… (en raison d’engagements mal perçus pour le patrimoine artistique, cf. billet du 4 déc. 2014). Un être plus ou moins touché par l'angoissante perception d’avoir rencontré, aussi, l’espace d’un moment, et dans l’idée d’un travail à mener, l’une des superbes franco-tunisiennes de 37 ans, fauchées vendredi… à la terrasse de  LA BELLE EQUIPE, rue de Charonne !

Car, depuis 2013, j’ai sur les chevalets de mon atelier peut-être l’une de ces parts ambigües des fastes de la séduction humaine : un travail sur l’apparat désiré et craint par l’idéologie radicale de l’Islamisme.

Une représentation artistique : recueil sensuel de mèches… de chevelures adorables, cosmiques, fantastiques, s’il en est ! De celles que ‘les barbus’ craignent le plus  – une donnée d’un universel supérieur, essentiel et coloré ! Et donc, que les fondamentalistes-radicaux-et-religieux tiennent tant à recouvrir d’un voile plus ou moins intégral, ou du fameux niqab absolu !

Tableaux conçus et réalisés grâce à la participation à mon atelier de divers modèles féminins ayant presque tous des racines orientales, métissées.

 C’est dans une sensibilité de demain que je travaille en complète participation active dans une illusion de matière éthérée, comme celle du feu : allant « du fusain au pixel » pour un transfert d’énergies vitales… par grain de particules !

Au fond, mes fondamentaux artistiques participent d’un élan d’interactions que je crois toujours nécessaire pour la liberté de l’être ;  elle est née avec l’humanité voici plus de 30 000 ans  et s’appelle : l’effort de beauté offert en partage.

‘Bouclier’ certes, mais je crois que « face à la connerie obtuse, tous les boucliers sont de carton... » (propos d’un ami poète). Mais ne faut-il pas en la circonstance sublimer, dans le vivant, les folies présentes ?

J’aimerai vivre cette prière de R. Riber mise en exergue à l’Oratoire du Louvre, pour protester :

« Je vais prendre le temps 
de laisser poser mon regard
sur les choses de tous les jours 
et les voir autrement, 
celles que chaque matin, 
je croise sans les voir !

Toutes les choses familières
que je côtoie à longueur de jour, 
de mois, d’année…

Je vais prendre le temps de voir l’étrangeté des arbres, de ceux de mon jardin, ceux du parc voisin, qui le crépuscule venu bruissent de mystères (…) » !

Assurément Daech & Cie ou ‘l’Islamisme dévoyé’ jouent, selon ma compréhension, les grands moments d’une apocalypse ; ils la jugent méritée pour résoudre in fine toutes leurs rancœurs, leurs ressentiments, leurs frustrations, etc.

Car ils se revendiquent « le bras armé de la justice divine » (cf. lien : émission de France-Culture), dans le but de purifier les dévastations des grands prédateurs occidentaux : le « peuple est abruti par les divertissements » (…) « le gouvernement français est en faillite » (…) « c’est un pays faible » (…) l’hexagone, ses élites… sont « corrompus et d’évidence immoraux ».

En conséquence, côté occidental, au quotidien résonne le mot « sécurité » qui nous tourmente en tout lieu de l’espace public et privé.

Si l’état d’urgence se prolonge au-delà du raisonnable, ne risquons-nous pas d’être conditionnés à l’opposé des valeurs de Liberté et de Fraternité ? Une GENERATION CRAINTE se profilerait alors ; ce serait assimiler le jeu mortifère souhaité par les intégristes.

 Quelque relent terrible du XIe siècle : vision de l’émir ben Youssouf (l’un des fanatiques les plus sanguinaires…) cf. LE CID, 1963, film d’Anthony Mann,  - leçon de résistance mentale de l’Espagne, à méditer, peut-être ?

En fait, la liberté de conscience et de gouvernement du mental des intelligences sensibles est mise à rude épreuve…

Nous sommes surveillés, certes. Mais surveillons-nous, dans un esprit de tolérance, pour éviter de « Faire flotter le drapeau de Daech sur l’Elysée » ! (cf. par exemple, la revue sur papier ‘glaçant’ du radicalisme religieux :  DAR AL-ISLAM).

Qu’y faire ? ‘Bouclier de carton’ ou ‘arme de guerre’ ? Pour l’instant en France c’est l’affaire exclusive de l’état d’urgence.

Mais ensuite, nous aurons le droit citoyen et intellectuel de juger nos politiques selon l’état de la paix et de la liberté en Europe, dans le Proche Orient, en Afrique… Et de savoir s’ils ont été à la hauteur et irréprochables ; pensons aux mensonges d’un George Bush, d’un Tony  Blair (ou de leurs équipes) !

En la circonstance, il convient de « donner du temps au temps ». Mais tout de même, c’est à y faner sa fraicheur d’enfant, son devoir amoureux de la vie.

Car, en cette année 2015, il est inutile de demander à St Nicolas, ou au Père fouettard, comme cadeau : le droit de revoir nos pères-Noël sans le vert des gilets-par-balles ou des treillis militaires !…

Question pour le BAC philo : – la ‘trinité républicaine’ : Liberté, Egalité, Fraternité  est-elle un cadeau utopique ou une conquête ?

Nous sommes à la veille des cérémonies aux victimes des attentats de Paris. Autre question :

– N’a-t-on plus besoin d’hommage national, de manifestations… autres que virtuelles, devant nos écrans de Télé ?

Certes, l’affichage à nos fenêtres des trois couleurs françaises pour apaiser les consciences (le drapeau est protégé par l’article 2 de la Constitution française de 1958 : « L'emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge à trois bandes verticales d'égales dimensions ») est acquiescé ;  revendiqué même comme nécessaire par François Hollande !

Mais d’une part aux Invalides, pourquoi exclure la moindre ornementation florale, expression vitale pouvant évoquer un lien avec les enjeux de la COP21 ?

Et, d’autre part, amidonner le drapeau présidentiel (inégalitaire de proportion pour l’usage Télé !), telle une abstraction d’ordre minéral… sans possibilité de vie ou de spontanéité aérienne…

Car, que l’on se le dise en haut lieu, de même que le bec de la Colombe a besoin d’un rameau d’olivier vivant, l’être psychique aspire à des gestes forts – authentiques et naturels – de symbolisation ;  c’est-à-dire, d’emblèmes humains de beauté fraternelle

Ici qu’il me soit encore permis de partager quatre citations sur un combat où la vie sera toujours plus forte que la mort… (cf. liens ci-dessous) :

– « Les terroristes choisissent des cibles pour qu’on parle d’eux et pour occuper le devant de la scène.

Je me demande si les émissions spéciales de la radio et de la télé ne leur apportent pas une satisfaction et une victoire bien plus grandes que le nombre des victimes de leurs méfaits. »

André Gounelle  – blog du 16-nov. 2015,  in Evangile & Liberté

– « Moi, je ne veux pas que l’on accorde à Daech la dignité d’une armée et lui donner l’estime, la considération que mérite un soldat. (…) Ils commettent des actes de terreur de masse. (…) Toute agression nous pose la question de Qui nous sommes ? »

Régis Debray, France-Culture, le 17 nov.2015,  in Répliques (9’40 à 10’14)

– « Quand la haine a déjà enflammé l’esprit de quelqu’un, la compassion consiste à adopter face à lui l’attitude du médecin envers un fou furieux. Il faut d’abord l’empêcher de nuire. Mais, comme le médecin qui s’attaque au mal qui ronge l’esprit du fou sans prendre un gourdin et réduire son cerveau en bouillie, il faut aussi envisager tous les moyens possibles pour résoudre le problème sans tomber soi-même dans la violence et la haine. Si la haine répond à la haine, le problème n’aura jamais de fin. Le moment est venu d’appliquer le baume de la compassion sur nos blessures et nos peines et sur la folie du monde.

Matthieu Ricard,  Moine bouddhiste - blog du 18 nov. 2015

– « Comment survivre dans un monde qui ne veut plus de vous, dans une société où nous n’avons plus notre place ? (…)

 « Je forme l’hypothèse que Jésus intervient pour essayer d’enrayer un processus de radicalisation, par trois actions qui pourraient bien nous inspirer : lever les malentendus, analyser le réel, valoriser les pulsions de vie. (…)

« La déradicalisation ne passe pas par la mise en cage des menaces. Cela, ce serait de l’immobilisation. La déradicalisation passe par une réponse à la soif de vivre. Elle passe par des propositions plus intéressantes en termes d’idéal. Elle refuse de se contenter d’eau plate, autrement dit morte.

La déradicalisation passe par la résurrection du désir de vivre et d’être soi-même source de vie pour les autres, d’être soi-même source d’eau vivifiante, d’être soi-même transmetteur de pulsions de vie ; ces pulsions de vie qui ne connaissent ni frontière, ni religion. »

J. Woody, pasteur à l’Oratoire - Evangile de Jean  4 : 3-26 ; 22 nov. 2015

– Racinaire  B04_06 –   à Halima Saadi ;  aux 130 morts du vendredi 13 nov. 2015 ;  et aux innombrables victimes !…

Etienne Trouvers, artiste visuel