Pyrale/Diaphania… sur Paris

Durant leur hivernage, les Pyrales du buis ont pu attendre sereinement l’an neuf sous la forme de petites larves et de nymphes. Elles étaient dans leur fils de soie… bien lovées entre des feuilles… ou plus difficiles à voir le long des ramifications des branches de buis formés.

Dès le réveil printanier, doux, précoce et sec de cette année 2014, la question est devenue vive.  Combien de buis dans la Ville de Paris  – espaces verts publics ou privés –  ont-ils été déjà touchés par la voracité de cette chenille ravageuse ?

L’idée d’une alerte préventive avec un arsenal d’interventions suggérées  – et peut-être une mobilisation associative citoyenne, écologique, efficace –  ne pouvait être qu’escamotée,  surtout en période électorale !

Dès lors, une sous-information largement partagée a permis de voir encore ceci :

(en haut)  Chez certains marchands de fleurs et jardineries, en ce début d’année 2014 :  Buis formés, petites boules présentement ‘soldées’ à 30€ au lieu de 35 euros  – avec pointes dorées… – une affaire !  (Dans les années 1990… une même grandeur de Buxus sempervirens valait, peut-être, le double ou le triple).  –‘Bui…’ sans S, mais hélas non sans chenille-S… de la Pyrale du buis !

(en bas)  Et, peu après, une boule de buis ‘courant les rues de Paris’ !  Certes, avec encore un remarquable petit panache vert au sommet où l’on pouvait voir aussi des chenilles en pleine activité printanière. Dès mars/avril, des nymphes… des imagos… et sans doute un potentiel envol de leur papillon,  Diaphania ou Cydalima perpectalis.  J’en ai d’ailleurs capturé déjà cette année… Faut-il souligner que l’hétérocère femelle peut pondre environ 250 œufs ?  Qui… !

Un phénomène suffisamment virulent, symptomatique et contemporain ?  Une large dissémination avec pour vecteur l’homme actuel, celui qui  – abstraitement –  consomme aussi les plantes domestiques et les jette, comme le reste, à la légère ?…

Certes, on suppose que les plus soucieux iront voir sur le web pour savoir quoi faire… Et sur le site de la Mairie de Paris ou de sa région pour avoir des consignes… puis peut-être iront-ils chez leur petit droguiste de quartier.

Mais étant encore au début du problème sur nos buis semper virens, problème à peine déclaré, que leur répondra-t-on ?

-Que les autorités politiques demandent depuis le début de l’année (sous diverses pressions !?) que tout droguiste, naturellement en interaction avec sa clientèle et lui fournissant d’ordinaire d’excellents conseils pratiques d’usage… se payât une ‘formation’ à 700€  – par vendeur – pour avoir l’insigne privilège de lui procurer quelque moyen ‘chimique’ ou ‘biologique’ de lutte  – ici d’intérêt général !

Ainsi, chez mon petit  Droguiste-marchand de Couleur  pas de BT ! (le fameux Bacillus Thuringiensis  dont on reparlera…), ni de piège à phéromone pour les Pyrales…, ni même de kit utile :  gant léger, boite à couvercle, filet à papillon, etc. !

Victimes d’une certaine ‘suspicion’ (et de guerre lasse), en 2014 les droguistes français « ne peuvent plus travailler », et surtout pas en confiance !  Car des doctes ou des écolos en bureau… ont sévi.

-Alors les mains vertes iront en ‘grandes surfaces de jardinerie’. Y trouveront-ils de meilleurs conseils ?  Mais, manque de chance, la personne ‘spécialiste’ n’étant pas à son poste, chacun se sert  – très –  librement au rayon des insecticides…. puis va à la caisse.

Par exemple, l’Insecticide polyv. D6  redevient  (après une éclipse ‘écologique’ ?)  le produit par défaut pour compenser la rupture de stock du fameux BT,  car bien trop de gens demandent ce dernier, à profusion. Dommage pour l’efficacité partagée !! Soulignons pourtant que la lutte biologique artificielle est vantée par des brouets de conseils dans ces chaînes de Magasin de Jardinage… Car le BT n’est-il pas contre : ‘Vers des fruits et légumes et Anti-chenilles’ (au prix modique à présent, de 9€95) ?

-Quant à ceux nantis de paires de ‘beaux Buxus’ en pot (allant souvent au-delà des 150€ pièce !), tout cela leur paraît relativement simple. Quelque instinct avisé leur fera regarder à nouveau le contrat d’achat ou d’entretien de leur espace vert.

Ils appelleront assurément la maison de décoration… Dès lors, deux jardiniers arriveront pour reprendre les buis – non verts – avec un diable et une camionnette de livraison, afin de restituer les végétaux à Rungis !  Car « il faut qu’ils sachent là-bas », m’a-t-on dit !  La chaîne de responsabilité a évité ici le procès en référé ou la mise en cause…

Le jardinier travaille, l’ingénieur horticole est contraint à de nouvelles idées ‘créatives’ – et même les usines chimiques s’y retrouvent…

Mais qui paye déjà ‘les pots cassés’ pour les Buxus ravagés ?  Est-ce la colonne des profits et pertes ?  L’importateur ?  La déréglementation ?

(à gauche)  Visuel d’une des chenilles ‘bien au travail’ le 30 mars, rue Jean-Baptiste de La Quintinie, Paris 15e  – sur la route des Jardins de Versailles.  (à droite et en-dessous)  Au même endroit, à peine un mois plus tard. Les parties vitales de ce Buxus sempervirens d’une quarantaine d’années de soins n’y survivront probablement pas…

Ici ultime grignotage des parties vertes des branches… comme en arches de pont. Force serait de réaliser qu’il n’y aura pas trois générations de ravageuses défoliantes, mais quatre, voire même plus, cette année ?  Car à présent la nymphose va se poursuivre...

Existe-t-il à présent une carte 2014 de la progression de l’insecte en région parisienne ?  Les traitements phytosanitaires ‘tolérés’ arrivent enfin – in-extrémis – voire peut-être déjà en aval de l’implantation en France ?

Mais les traitements ne sont pas sans risque !? Ils doivent être appliqués opportunément.

Les insecticides « ont aussi l’inconvénient de ne pas être sélectif, et de toucher également les insectes auxiliaires utiles ». Et l’alternative de l’option biologique, dont le BT, est certes une bactérie qui se décompose après son action utile sur le vivant nuisible… mais y aura-t-il ou non des rétroactions malignes en cas d’usage commun et répété ?

Dans un premier temps les dogmes écologiques du ‘principe de précaution’ et du ‘laisser faire naturel’ qui ‘équilibrera le problème’ compte tenu de ‘la biodiversité’ ont prévalu. Mais selon mes observations d’amoureux des oiseaux, c’était en l’occurrence un mauvais pari  – de soutenir que nos passereaux dont les mésanges…  allaient faire ici le travail pour nous.

Voici quelques remarques d’ordre pratique et naïves, peut-être utiles et complémentaires pour une lutte opiniâtre, naturelle (responsable ?) appliquée aux Buxus :

-Agir au plus vite dès les premières manifestations de la présence de l’insecte : feuilles rognées, jaunissantes, fils de soie retenant de petites boules de déjection.

-S’équiper de gants jetables pour cueillir les chenilles, non urticantes, puis les faire tomber dans des boîtes de plastique ayant un fond d’eau de 1 à 2 cm ;  les immerger ensuite pour bien les noyer ;  comme je viens de l’expérimenter les pyrales n’ont aucune capacité à la natation !

Ceci s’applique à des buis formés peu nombreux. Si l’on travaille à mains nues, les poils de la chenille peuvent parfois s’incruster dans la peau, il faut alors les retirer avec une bande adhésive.

-Utiliser un jet d’eau à forte pression pour les buis linéaires, en ramassant au maximum les insectes au sol (les capter dans un filet à maille fine).

-Faire équipe de façon à éviter la lassitude. Il est évidemment plus agréable de cueillir des framboises mais… en la matière, il convient de procéder méthodiquement, systématiquement, puis de réitérer quelques temps plus tard.

D’autres moyens de lutte ont été évoqués dans les billets précédents de mon blog, cf. Comment résister, 27 septembre 2013

Ces attentions peuvent prêter à sourire, mais les gestes empiriques de l’artisan ont l’efficacité des choses simples...

Les buis étaient considérés jusqu’à présent : faciles, vigoureux, et commodes d’entretien ;  ils ont dans nos vies ‘un statut équivalent à celui des animaux domestiques’. ‘Respectables’ il faut désormais leur consacrer du temps et de l’observation moins abstraite  – nous sommes devant une sorte de ‘peste’ !  Des soins dépassant les principes de la propriété individuelle deviennent nécessaires…

L’impact sur le Patrimoine naturel et culturel  – dont ce ravageur serait un emblème –  est un marqueur social et de civilisation.

En l’occurrence comment René Dumont, André Gorz, ou d’autres consciences d’écologues se seraient-ils impliqués ?  En ‘Penseurs de la complexité’  ils fondaient leurs raisonnements selon leurs connaissances et expériences ;  ils s’appuyaient aussi sur une grande variété d’opinions et de savoirs…

Plus modestement, je mets en liens des regards à propos  – des multiples –  problèmes actuels sur le buis dont l’article de l’APJRC (Association des Parcs et Jardins de la Région Centre), signé Michèle Quentin, et l’échange que j’ai eu avec Patrick Borgeot, Jardinier de Vaux-le-Vicomte.

Ayant évoqué le principe d’une veille sanitaire auprès d’une personne des milieux écologiques médiatiques… Il m’a été répondu « qu’ils ne peuvent s’occuper de tout et de n’importe quoi ! »  et que j’aurais tort d’insister auprès de Mme La Maire de Paris, car  « Il ne faut pas s’imaginer qu’un élu est Dieu le père ! ».

Néanmoins, voici ce que j’ai encore tenté :

- AUX BUIS CITOYENS,   CES TRÉSORS SONT  LES NÔTRES !
 texte remis à Anne Hidalgo,  Maire de Paris,  le 1er mai 2014 :

« Le Nôtre, bien sûr, n’a pas planté tous les buis des parcs et jardins de France ;  il n’a pas non plus présidé à l’aménagement de ceux, aujourd’hui très attaqués, qui ornent les plus beaux parcs de Paris.  Je me suis cependant autorisé cette petite installation éphémère, et frondeuse, sur le buste du plus grand artiste jardinier de France afin de revenir vers vous pour évoquer le péril qui menace aujourd’hui l’ensemble des œuvres végétales du même ordre dans notre pays.

« Certes de nombreux parterres de buis sont aujourd’hui traités au BT. Mais l’action publique, qu’avec d’autres responsables politiques vous avez initiée, ne semble hélas pas suffisante pour endiguer l’expansion des ravages de la pyrale, cet insecte porté par les échanges du commerce international des pays d’Extrême Orient à nos jardins et nos parcs, mais aussi nos champs, bois et forêts.

« La raison principale de cette incapacité réside dans le fait que la grande majorité des buis potentiellement hôtes du parasite appartiennent à des particuliers. C’est pourquoi il apparaît important que les politiques, au-delà des actions qu’ils ont entreprises dans les espaces dont ils ont la charge, s’emploient à alerter les propriétaires privés sur leur responsabilité dans le combat contre le fléau.

« A la fin de l’année se tiendront les journées européennes du patrimoine, plus spécialement consacrées au patrimoine végétal et naturel. Vu la virulence de l’expansion du phénomène, il y a fort à craindre que le constat qui sera dressé de la situation des buis ne relevant pas de la gestion publique, dans nombre de régions de notre pays, soit catastrophique.

« Il y a donc urgence à ce que les responsables politiques s’emparent plus significativement de ce problème en approfondissant leurs actions de traitement et de prévention, mais aussi en lançant une puissante campagne d’information et d’incitation à l’action auprès de nos concitoyens.

« De cet engagement dépend la préservation d’un trésor naturel de notre patrimoine, dont l’éventuelle régénérescence, s’il devait être détruit, demanderait assurément plusieurs siècles. »

Le Notre

Buste d’André Le Nôtre, auteur des plus beaux parcs de France, sculpture d’Antoine Coysevox  – Installation d’Etienne Trouvers, jardin des Tuileries, avril 2014, ‘Le Nôtre en statue du Commandeur’ !

La Pyrale du buis est, dans la famille des pyrales, d’une voracité inouïe et… très prolifique. Une rumeur suggère qu’après avoir dévoré les buis français, les chenilles pourraient se régaler d’autres végétaux, comme l’olivier…  Louis XIV ne peut pas plus vivre sans buis que les populations du sud sans les Olives !  Où en sont les recherches scientifiques sur cet insecte aux multiples facultés d’adaptation ?

Ce serait des plus ‘ironique’ qu’un dogmatisme prégnant soit le socle propice d’un certain drame écologique.