Esthétique + panthéonisation

(suite I)

3) Après la panthéonisation regard sur un aspect esthétique possible

Sans remonter jusqu’aux déclanchements des sensations élevées du beau…  ni aux origines premières des liens entre puissance politique et pouvoir esthétique, quelles illustrations pouvons-nous encore présenter ?

Dans l’article intitulé « Considération sur le drapeau », je relevais qu’André Malraux (ministre d’Etat chargé des Affaires Culturelles entré au Panthéon) avait, comme référence optique et considération pour l’esthétique adéquate, La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix. Barricade poignante où l’âme française vit, résiste et se hisse… – vision romantique jusque dans ses ‘colorants sourds’ portés-vers-le-haut !

Généalogie inscrite dans la pensée du réel pour apprendre : « à nous défier des réponses toutes faites, de l’esprit de système qui dénie aux individus leur part d’influence sur leur histoire (…)».  Conscience libre, vitale, et donc essentielle, éléments bien soulignés par Jacques Chirac, lors de la panthéonisation de Malraux (le 23 novembre 1996).

– Or, n’est-ce pas aussi une des explications possibles de la Résistance française, et des quatre figures de jeunesse éternelle qui ont rejoint Jean Moulin, à l’occasion de la journée du 27 mai 2015 ?

A ces rappels connus de tous, osons aussi les juxtapositions suivantes :

La Liberté guidant le peuple (musée du Louvre), peinture d’une perception visionnaire et dorée  – au drapeau français bleu plombé !  Tableau largement couru par le peuple des musées… Et pour Delacroix, La Liberté est une vision pyramidale dynamique, humaine, d’un climat épique sur fond de fumée, de poudre ou de soufre ! 

En haut : Tableau d’Eugène Delacroix (1830-31), intelligence contemporaine du sculpteur David D’Angers pour le fronton du Panthéon – deux génies créatifs dévoués en l’occurrence à leur Patrie !  C’est sur un drame profond et valeureux que vont se jouer les chances de la France combattante… (cf. La Marseillaise). Vertus tricolores égalitaires et opposées en chromie ; et peinture comportant, de fait, une figure non visible de tous les combattants dans l’action en cours… alors que La Marianne/La Liberté devient  – avec le recul formel du pictural –  composition énergique figurative issue du drame et des destinées.  En bas : Photographie officielle introduisant la vidéo du discours de François Hollande. Image d’un moment rapproché sur l’un des quatre cercueils et drapeaux ; du Président de la République française en buste ; et symétriquement, évocation d’un commandement militaire de sécurité…

Par comparaison, l’ordre actuel des valeurs esthétiques et culturelles du monde paraît avoir été modifié. Toutefois ce cliché ne met-il pas mal à l’aise ? Car, pris dans le rapproché, nous y vivons selon une disposition optique du ressenti ; au sein d’un sensitif télévisuel qui n’a plus guère à voir avec l’aspect esthétique vécu des puissants spectacles funèbres de transfert des cendres des grands hommes par la Nation. (cf. lien discours d’André Malraux)

Une présidence normale, dit-on à l’Elysée. Donc surtout plus de grandiose comme le discours fameux à Jean Moulin (le 19 déc. 1964), le Général, indéfectible, debout, et son ministre des Affaires Culturelles, comme un marin dans la tempête !… ou du genre sacre laïc d’une scientifique, à la François Mitterrand (le 20 mai 1995), pour Pierre et Marie Curie ;  etc.

Et le normal qu’est-ce en l’occurrence ? Peut-être du bien être ensoleillé virtuel, genre : « Des choses qui ont de belles couleurs… on dit volontiers qu’elles sont belles  » ?

Mais qu’en est-il si l’on prend en compte la part de l’effort qualitatif de la vie sublimant les choses normales ?

Ne pourrait-on, encore aujourd’hui, faire un rêve ‘normal’ à propos des propriétés esthétiques du Panthéon ?  C’est-à-dire ?  Voyons :

En haut :  Panthéon lors de la journée du 27 mai 2015. Ces mille visages d’anonymes sont peut-être vus comme l'expression d'une gratitude non solennelle, non emphatique, non monumentale, de la nation envers ses Illustres ; mais…   Au milieu :  Une idée élémentaire pour refonder certaines valeurs de la République alors que la France – ses couleurs, son drapeau, son monument – peut avoir quelque fierté de quatre Résistants de première grandeur !   En bas : Une des formules possibles, satisfaisantes du point de vue de la correction bourgeoise, traditionaliste, et nationale… En la circonstance, c’est l’occasion de dépasser l'intermède vulgaire ou ordinaire de l’installation Art contemporain ;  solution peut-être esthétiquement sans risque, car respectueuse d’un retour traditionnel à l’identité,  bien que de grandeur architecturale dilatée par le vaste trompe l’œil ;  mais on se donne aussi les moyens de retirer la grue qui ne semble pas chose bien réjouissante.

Admettons que ces propositions puissent faire sourire.  Mais remarquons que, lors des présentations dans les médias, les images publiées étaient, soit, quelque état antécédent de l’ensemble du Panthéon ;  soit une optique hors travaux en cours !  Quant aux prises de vue durant la cérémonie nationale, elles évitaient assurément la partie supérieure de l’édifice. Pourquoi ?

Se peut-il que les journalistes politiques ou les photographes accrédités couvrant l’aspect optique  – non spécialisés en esthétique –  aient d’instinct évité le hiatus de la contreperformance ?

D’où mes quelques propositions visuelles complémentaires : ce qu’aurait pu être, en ce beau jour mémorable, le haut lieu de nos Illustres. Modestement, elles visent à poser en rêve quelques interrogations d’ordre esthétique ou critique… nécessaires : – de la résistance !  – ou peut-être une forme de liberté de conscience, mais autrement objective ?

– Jamais assez de frais pour le prestige, le respect et la grandeur de la France !

Proposition plus festive – en proportions harmoniques – d’un aménagement en l’état du lieu de mémoire, à l’échelle des têtes ; la grue en hampe portant peut-être l’équivalent du drapeau d’effet grandiose de l’Arc-de-Triomphe ? Ici, possiblement couplé d’un drapeau européen empesé et suffisamment grand pour tenir la comparaison ! Ce réalisme circonstancier, ou ‘normal’ dans l’imaginaire… pouvant être calculé (dans la grande tradition des polytechniciens), sur la base d’une grue culminant à 96 mètres, supportant un poids utile de levée de 4 tonnes.

à suivre