Liens de pensées

L’art, l’aura et la distance selon Walter Benjamin, voilà des notions qui me sont fréquemment opposées ! Et si justement le transfert artistique ‘en numérique’ des données de la sensibilité humaine était l’un des enjeux majeurs de notre culture ?« Si la reproduction est une recréation, et que la technique est tout sauf mécanique, (…) la multiplication est tout sauf une dissolution passive de l’authenticité originale dans la consommation réifiée de fétiches. Au contraire, ce sont l’originalité et l’authenticité qui supposent, comme condition sine qua non, l’existence d’une reproduction technique. » Voici comment Antoine Hennion et Bruno Latour soulignaient pour le premier Cahiers de Médiologie, avec panache... (et sous-titre provocateur) : – « Benjamin, ou comment devenir célèbre en faisant tant d’erreurs à la fois… ».

La réalité de la Re-production numérique artistique (RNA) des peintures de P. Gauguin, en 2003, est l’un des éléments concrets dans cette prise de conscience contemporaine, un lien de pensée exemplaire pour une nécessaire et vivifiante remise en cause…? Un débat de fond sur Patrimoine, création et culture numérique doit donc advenir les : 21, 22, 23 juin 2012 – Archives nationales (Pierrefite) – Université Paris 8.

Quelle est alors la place d’un artiste au côté de philosophes, sociologues, universitaires… ou de ceux qui savent exercer leur pensée sur les logiques de nos destinées ?

Peut-être que, semblablement à MM Latour et Hennion qui relèvent quelques ‘petites incongruités’ au sein des fortes pensées d’un philosophe de référence, mon œil de peintre se doit aussi de bien percevoir au cœur des banalités qui ont cours : l’étonnant, le relatif, le symptomatique, voire peut-être… le périlleux ?

Or voici le témoignage symptomatique de ‘copies d’écran’, captées mécaniquement, et le visuel originel de mon site, ainsi que je l’ai mis en ligne :

A quelques nuances près, des différences en teinte/saturation et lumières sont notables. Comme si ces captures d’écran - Les seins aux fleurs rouges -  P.Gauguin détail issu du portfolio "à Paul Gauguin par E.Trouvers" avaient digéré certaines propriétés picturales et chromatiques ; avaient escamoté un peu de la finesse qui dépeint les jeux subtils de l’être et du mystère féminin.

Est-ce ici, déjà : travestissement, infidélité, torsion banale des serveurs numérique ?

Que l’aspect chromatique varie d’un écran à l’autre, voilà une banalité courante, admettons. Encore que ce soit un lieu commun qui pourrait être qualitativement mieux géré, juste avec quelques petites attentions… (par les fabricants et usagers d’ordinateurs) !

C’est très aimable… On vient jusqu’au site. Et je ne vais tout de même pas me faire couler des larmes de crocodile pour inonder le charmant tapis rouge qui descend et remonte virtuellement jusqu’à mon écran… Puis, par une revendication d’un retour ‘aux meilleurs sources des P.Go’ – pour mieux communiquer sur l’aura en art ! – m’indigner en puriste… ‘mécaniquement’. Mais ceux qui savent que Gauguin est non seulement le nec plus ultra des ‘couleurs modernes’, une réputation… mais le sentiment humain de cette Couleur, ne seront pas surpris ! Hélas ?

Si, en artiste ‘créateur/reproducteur’ je suis amené à intervenir dans Patrimoine, création et culture numérique, témoignerais-je de la complexité et des doutes de ma vie ‘rêvée en couleur’ ? Communiquer ou même m’interroger sur les sources vivantes de notre patrimoine artistique – dans un souci de sensibilité humaine ? Et, certes oui… dans un contexte qui est en pleine mutation technologique !