- Nous sommes perdus ?

à travers les Arts de l’Islam, Louvre (suite)

« Nous sommes fatigués dans les espaces réaménagés du Louvre.

La grande dune, la grande toile, le grand tapis, bref, le grillage serré des vieux ascenseurs de Paris sur notre tête. On nous présente cette cage comme elle ne peut être appréhendée. On l’aime sur maquette à condition d’avoir abandonné nos sens : seule la vue est flattée, mais depuis le point inaccessible de l’oiseau ! J’avais réellement aimé la toiture… par les fenêtres de la salle des Etats ! Dans la vraie visite, j’ai découvert une claustrophobie inédite dans les nouvelles salles des arts de l’Islam.

Le noir partout. L’Occident porte-t-il le deuil de son nouveau département ? Pourquoi avoir utilisé une cour qui avait un tout autre volume, pour m’étouffer à terre, et m’enterrer dans la suite du parcours dans d’immenses salles noires ? De la cour, je ne connaissais rien, je ne vois désormais quasi-rien. Et je ne verrai sans doute plus rien. Avec quel profit on aurait pu y installer des éléments de décors de plein air ! Pourquoi mettre en sous-sol les superbes mosaïques de sol ?

Pour les « trésors », rien à dire : ils sont tous là ! Mais l’accumulation, multipliée par la transparence des innombrables vitrines, augmentée au carré par la densité des visiteurs m’a clairement donné la sensation du souk de Marrakech. Des sacs d'épices les uns sur les autres, de toutes les couleurs, dans une profusion gargantuesque, le tout faussement disposé en vrac sur un fond noir qui fait tout ressortir. La scénographie est digne de celle des "créateurs de vitrines" et autre spécialistes marketing. Ce que l'on nous propose, très explicitement, c'est une consommation d'objets intouchables : si près, si inaccessibles : le luxe quoi !

Me faut-il désigner un tapis pour échanger quelques mots, mon doigt à deux mètres de la sainte relique provoque un tintamarre de tous les diables, une sirène qui rythme la visite du département.

Alors je cesse de partager, j’écoute, je lis, je regarde les explications. Alors là ! on ne pourra pas dire : des cartes (au défilé lumineux que je ne comprends pas), des objets pour aveugles (ça tombe bien : on a volé mon regard), le rappel d’une civilisation à travers ses textes récités çà-et-là, des grands panneaux sur les invasions à tire-larigot et même les « clés » de la compréhension dans de confortables divans.  Mais je dois être trop stupide pour ces belles prothèses car mis à part : origine en haut, an 1000-1800 en bas, je n’ai rien compris.

Les trésors se succèdent, je suis étourdi. Point.

A proximité de la salle du manège, il y a quelque chose de la Foire du trône ici. On aimerait butiner à son rythme et selon ses désirs, mais le regard amenuisé  par cent paires d’autres yeux scrutateurs et un incroyable dispositif d’apprentissage est sous contrôle. Un manque d’intimité avec les objets, avec soi, criant. Où se retrouver ? 

Dès que je pense à cette métaphore muséale d’un souk lounge, je souhaite immédiatement oublier la (mauvaise) surprise nauséographique. Les œuvres sont là ; rien n’est perdu !

Grégory C.