Définition et principes du M-A numérique

Panneaux d'exposition :

C'est à partir d'un fichier digital, extraordinairement riche, complexe et fin, que naît la possibilité d'interpréter, voire de réorchestrer chromatiquement, dans son intégralité, ce visuel que je nomme multiple-aristique numérique ou m-a. numérique.

Lié à l'expérience vécue par l'artiste d'une certaine énergie subtile des êtres et des choses, le prototype est d'abord peint à la colle sur papier au moyen du pinceau-couleur. Il est ensuite scanné pour nourrir le fichier fondamental, mémoire numérique des plus nuancées à partir de laquelle sera réalisée l'impression laser professionnelle sur un support noble et garanti.

Chaque m-a. numérique est réalisé en jets d'encre haute résolution, en 7 encres pigmentaires haut de gamme. Encres nouvelles garanties pérennes par le fabricant dans la mesure où elles dépassent nettement le niveau d'exigence habituellement admis dans le domaine de l'estampe.

Je vérifie moi-même chaque œuvre en cours de réalisation (l'éliminant à la moindre imperfection constatée), et la parachève par une découpe du papier à la main avant de la dater, de la signer et de la numéroter selon un nombre limité (en général de 4 à 9 exemplaires).

Chaque visuel peut-être édité à l'unité, en fonction de la demande. Mais je peux aussi, comme il est indiqué plus haut, le doter d'une identité esthétique radicalement neuve en intervenant sur le fichier initial.

Dans cette synergie entre opérations artisanales et moyens d'analyse par logiciels d'image, l'ordinateur devient un outil de maîtrise qui, grâce aux niveaux d'exigence et de sensibilité de l'artiste, aboutit à la création d'une nouvelle œuvre par un fait-main-machine, au pixel près. De sorte que, réalisé selon mes seules instructions, ou sous mon seul contrôle, chacun des m-a. numériques porte la marque de mon intervention. Il ne s'agit donc plus de "reproductions mécaniques", principes réducteurs dénoncés par Walter Benjamin, mais de re-production numérique ouvrant sur une liberté de réalisation revivifiée.

E. TROUVERS janv. 2003

Alors que, dans sa noblesse, la gravure en creux ou en relief est relativement limitative
(se rattachant au domaine du dessin), et que les procédés d'édition
en couleur chromolithographie, quadrichromie imprimée en réseaux tramés,
et sérigraphie d'après peinture, sont, par nature,
approximatifs, aléatoires, et variables (en cours de tirage et dans le temps),
le principe numérique des M-A, en raison de son fait-main-machine,
permet une maîtrise qualitative accomplie de ces estampes numériques.

Après l'époque où l'homme et sa sensibilité furent adaptées
aux exigences d'un monde machiniste et industriel
(par des guerres et des luttes fondamentales),
puis le présent, où les technologies
de l'information travaillent
sur l'événementiel,
la problématique de l'ère nouvelle paraît autre…

Dans le champ particulier des arts visuels, le M-A numérique ouvre des voies
qui sont peut-être la symétrie inversée du travail d'un Toulouse-Lautrec
(cf. L'Anglais au Moulin rouge et la sérialité exemplaire du Loïe Fuller),
ou des principes sérigraphiques d'Andy Warhol avec le Pop Art…

Chaque époque a sa conception esthétique et qualitative pour faire évoluer la vie.
Avec l'apparition du M-A numérique, quatre facteurs changent
encore une fois la donne. Enumérons les :
1. la finesse des derniers logiciels en tant qu'outils de contrôle et d'interprétation ;
2. les traceurs à jets d'encre dont la trame aléatoire devient invisible à l'œil nu et
permet l'expression des divers jeux d'une matière illusionniste : " de la belle matité " ;
3. la meilleure adéquation possible entre
encre pigmentaire, solide à la lumière, et papier coton ;
4. la maîtrise humaine de l'artiste et de l'artisan tireur chromiste.

Servant pleinement la forme et l'esprit de finesse des œuvres, et permettant
de prendre la mesure des limites de la manipulation selon l'ordre esthétique,
les M-A numérique rejoignent aussi une vielle utopie
des artistes : mettre à la portée de nouveaux amateurs
les raffinements d'un art dont l'accès était
limité, voire réduit ou impossible.

E. TROUVERS juil. 2001
expositions Lisbonne et Lyon