Quand l'original va se rhabiller devant de superbes reproductions.

Un artiste a mis au point un système qui reproduit une œuvre au frôlement de pinceau près. A suivre.

C'est bien connu : toute œuvre d'art perd à la reproduction. Quelque soit la sophisticationtechnique à laquelle on est parvenu, un tableau photographié n'est plus l'original, dans sa gamme, dans sa matière, son aura, disait le philosophe Walter Benjamin, qui théorisa le fait que l'art du XX siècle passait à l'âge de la reproduction de masse. Eh bien, avec le nouveau siècle, un événement change la donne. Un artiste vient de découvrir un mode de reproduction de ses œuvres qui, non seulement les restitue au frôlement de pinceau près, mais, en plus, en propose des variations chromatiques tout aussi raffinées. Comment cela ? Par l'image numérique. Etienne Trouvers a inventé une sorte de sérigraphie informatique. Il explique que l'image numérique offre, en fait, un pinceau d'une précision qui dépasse les possibilités de l'œil. Après la première étape, où il travaille chaque détail peint de la repro sur écran, il fait un tirage. Il a un bon moyen de vérifier s'il y a déperdition ou pas : ses tableaux sont d'un extrême raffinement de matière. Cette intelligence de la matière picturale, on la retrouve dans ses œuvres, qu'on a pu voir à l'exposition 'Art contemporain 2000 ". Il peint, en effet, des fleurs-papillons, de la catégorie des épiphytes qui se nourrissent, grâce à leurs racines aériennes, de particules en suspension dans l'air ambiant. Dans cette fleur " perméable ", Trouvers voit un symbole de notre condition, nous qui vivons inconsciemment dans un bain contenu d'ondes et de flux environnementaux. Peindre pareil sujet imposait un art de la main et de l'œil aussi subtil. Or, paradoxalement, c'est cette attention à un élément subtil de la nature, doublée d'une connaissance profonde de l'art, qui a conduit cet artiste à trouver un moyen de re-production sans déperdition.

Les conséquences sont considérables et l'industrie américaine s'y intéresse. Il est clair, en effet, que le " multiple artistique " - nom qu'il a donné à cette invention, qu'il double d'une équation façon Einstein (m-a = XXIème) - va réconcilier le quantitatif nécessaire à la culture démocratique, et le qualitatif sans lequel il n'est pas d'art.

Jean-Philippe DOMECQ