Etienne Trouvers, du "fait-main machine".

Dans le cadre de la semaine du numérique, Etienne Trouvers présente ses multiples artistiques à l'Ecole d'Architecture de la Seine. Notre curiosité est d'abord éveillée par le titre de l'exposition: "m-a. = XXIe". Cette équation trouve sa solution artistique dans la recherche radicalement nouvelle engagée par Etienne Trouvers. Son point de départ est la création d'une image originale peinte avec un mélange de pigments, colle et eau. Ce premier geste est donc "traditionnel" dans le sens où l'artiste se confronte aux exigences de la composition, du travail des couleurs et au traitement d'un motif délicat, la fleur d'orchidée. La palette est composée de verts et gris doux, tranchés parfois dans le vif par des rouges ou ocres à teintes profondes. Cette gamme chromatique épouse parfaitement la délicatesse du motif, traité à la manière d'une estampe chinoise.

L'intervention de l'artiste se prolonge alors dans un second geste de ré-appropriation de l'œuvre: le tableau est photographié, scanné, et l'image numérique constitue ainsi un second point de départ pour l'artiste. L'ordinateur prolonge le pinceau, précise et amplifie son geste originel. Après plusieurs étapes de retravail sur l'image de départ, E. Trouvers choisit celle qui sera l'œuvre finale, imprimée avec des encres spécialement choisies et sur un papier de coton seuls capables de rendre l'émotion du travail créatif de l'artiste.

Le panneau principal de l'exposition présente les œuvres imprimées juxtaposées à leurs originaux peints. Problématique confrontation entre l'œuvre née de la main de l'artiste guidant son pinceau et celle retravaillée à l'aide des technologies numériques: partition originale, réinterprétée par l'artiste à la manière d'un musicien-interprète. E.Trouvers travaille en nuances sur la palette chromatique et se réapproprie l'œuvre pour le plaisir de nos yeux: les tons pastels se font ocres vifs et jaunes chatoyants, ou vice-versa. Deux images exposées ensemble, issues d'une œuvre originale identique, se répondent l'une à l'autre et nous donne à voir les mouvements dynamiques à l'intérieur d'une toile. Les deux versions sont absolument identiques dans leur graphisme, mais tout l'équilibre intérieur de l'œuvre se trouve bouleversé par les changements chromatiques. Ceci est d'autant plus souligné dans l'œuvre d'E.Trouvers qu'il explore avec ses motifs déclinés dans l'espace les vibrations d'un mouvement qui se propage à l'infini.

Une présentation particulièrement intéressante pour comprendre le processus de création du multiple-artistique fait face à celle des œuvres abouties: celle des étapes successives de leur création. Un enchaînement séquentiel de dix images, dix étapes, de la photographie scannée à l'œuvre achevée, laissant apparaître les annotations de l'artiste ("vert trop dense, rouge trop dur…") avant d'arriver à l'œuvre finale et aboutie. Cette linéarité déploie la progression, la lutte pour une composition efficace qui se réimpose sans cesse sur les modifications chromatiques.

C'est donc une œuvre empreinte de dynamisme que nous présente E.Trouvers, où l'artiste se pose en maître de l'ordinateur, du "fait-main machine" qu'il est jusqu'à présent le premier à explorer à travers ses estampes numériques.

Ariane ZAMBIRAS