Installations…
ajouts fictifs ou festifs ?

Grâce à l’esprit ‘contemporain’ des dernières FIAC (Foire internationale d’art contemporain), qui n’a vu quelques installations, pièces ou objets ironiques sur Paris 
– provocations petites et grandes ?

Pour la troisième édition  – Place Vendôme (1er) –  du Hors les murs, c’est un fait stratégique à controverse majeure…  Fait de non accomplissement exemplaire en art contemporain, encore l’une des recettes façon Marcel Duchamp  – à la sauce machin et Cie.  – Une installation éphémère venue des USA… et qui se devait d’être contestée par une polémique :  en tant qu’expérience fictive d’existence et de rejet ?…  Mais assurément du-dé-gonflable !

Une ‘pièce’ (c’est sidérant), qui a vu bien plus que la Ministre de la Culture (sur son compte Twitter), l’Elysée se sentir un devoir de prendre nommément position pour l’artiste. Confer le discours brillant et chaleureux de François Hollande, Président de la République, à l’inauguration de la Fondation Louis Vuitton (le 20 octobre 2014) !

Cet événement bien défendu par un calendrier astucieux de communication, et couvert aussi par les propos des plus hautes autorités (souvent en des termes plus que diplomatiques !), représente tout de même ici un luxe de fourberies, comme nous allons le voir…

Reprenons les faits démontrables :

Dès samedi 18 oct. 2014, démontage du ‘caoutchouc vert’, après deux jours d’existence concrète et de polémiques ‘naturelles’ ;  puis, lundi 21 au soir, les plots de béton, nécessaires à son ancrage, sont retirés (cf. visuel ci-après), et le cocktail des VIP prévu sur place est annulé ;  ce, à deux jours du vernissage officiel des Foires d’art moderne et contemporain !  Tous les mécanismes et ressorts de la frustration sont posés. Etrange ou bizarre ?

 

Ou plus esthétiquement parlant :

Avant tout, l’objet de cette installation  ‘légère’  dans le genre parodique :  « The Tree »  (sapin gonflable d’un vert grotesque, en forme molle équivoque) n’était-il pas  d’une mocheté artistique vraiment repoussante sur cette Place ?

Et je forge l’hypothèse que la ‘pièce’ en un autre lieu de cette  FIAC Hors les murs  n’aurait engendré qu’un petit ‘ bof ’ (sans lendemain) parmi d’autres installations présentées :  au Jardin des Tuileries (1er) ;  le long des Berges de Seine (7ème) ;  ou au Jardin des Plantes (5ème).

Même outré en chromie… ce sex toy à scandale aurait fait grise mine dans de tels lieux  – tant la nature d’automne dans sa diversité de verts lui est, oh combien supérieure ! ».

 

S’ajoute à cela, une ‘subjectivité’ d’artiste visuel, peintre :

J’imagine encore dans les yeux d’Etienne Martin, de Georges Jeanclos-Mossé, etc.  – mes formidables Patrons d’atelier sculpture à l’ENSB-A (Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris) –  ce qu’ils auraient pu en dire, eux qui n’avaient pas d’Age contemporain en leur démarche innovante et de toujours !  Peut-être avant tout des remarques optiques de métier :

– « En fait, ce dit ‘Sapin’ n’a aucun effet de visibilité véritable…  surtout ainsi cousu de fil blanc (ou vert) ! ;  Putain, comme dirait César, pas de bon contraste futé pour cette pièce là ;  c’est minable pour un artiste des USA, n’est-ce pas ?  – Ce bidule équivoque, mais il le faudrait suspendu, comme en lévitation…  Ce machin, à quelques mètres du sol, vous imaginez ça !...  Là, il aurait effectivement une certaine gueule, du talent…

– « Voyez plutôt l’Obélisque de la Concorde !  La colonne Vendôme !!  La Tour Eiffel !!!  La Montparnasse, etc.  Quelle puissance de pénétration dans les cieux !  Et les arches... (du Carrousel) La pyramide du Louvre (avec toutes ses coulisses incroyables à pénétrer plus ou moins sensuellement). En voilà des volumes conçus amoureusement, métaphysiquement pour Paris ;  optiquement déjà, c’est autre chose que de la chique du genre petit cœur ‘en Chocolate’ !

 

Et d’un point de vue des convenances… que n’auraient-ils pas dit :

– « Et voilà que l’on vient internationalement ricaner de Paris et se revendiquer de Marcel Duchamp !  Qu’un regroupement de puritains, dit :  Le Printemps français (de mouvance Catholique traditionaliste) joue aux ‘puristes’, c’est bien, ils sont dans leur rôle naturel ici en montant aux créneaux…  Et si ça n’avait pas été, l’artiste et sa galerie auraient été déçus. Ils auraient dû faire encore pire pour la démonstration.
– Mais, depuis Voltaire, Sade, Rétif, ou encore plus proche de nous les œuvres libertines de Bernard Noël, vous croyez que l’âme française a des leçons à recevoir en la matière ?  – Même et surtout pour choquer, pour bousculer. »

Mais, quoiqu’il en soit – c’est l’essentiel –  notons que cet artiste de la FIAC 2014  a eu « carte blanche » pour choisir son œuvre et son lieu stratégique d’appropriation, en place Vendôme, seul dans un écrin !  Et quel honneur ineffable…  malgré toutes les diverses bâches d’échafaudages ici présentes  – de visionner son ‘Plug anal’ (de seulement  24 mètres de haut) !

ci-dessus :  Couverture de l’emblème impérial français, le temps d’une restauration de la fameuse Colonne Vendôme de 44,3 de haut ;  transformation ou transfiguration en un gigantesque ‘emballage de Champagne’ de grandes marques au label du Ritz-Paris ;  installation nécessaire au déroulement pratique des travaux et bien dans ‘le chic’ d’un tel ciel d’automne, comme pour une redécouverte… (celle d’un grand millésime assez singulier en ce lundi d’octobre ?).

Un Comité Vendôme existe. Faut-il imaginer que le sommet du goût à la française de certains riverains – en principe consentants et faisant confiance sur l’adéquation du choix de la pièce installée par le festif de la FIAC –  n’ait pas été chatouillé ?  J’en veux pour preuve la réponse à décoder de Bruno Julliard, premier adjoint au Maire, chargé de la Culture, qui assure opportunément au gratuit  20Minutes :
– « Nous n’avons fait qu’autoriser son installation dans l’espace public. La Mairie n’a choisi ni l’artiste ni l’œuvre, (…) ».

Fin d’une communication ‘coquine’ et…  faite art  d’un sapin gonflable « The Tree » ;  cliché réalisé sur fond de grues d’un Palace parisien en réfection. Ici, un puissant élévateur et deux camions de convois prioritaires sont sur place. Et pas moins de quatre personnes en casque de chantier, plus une responsable pour soustraire, au final, les derniers éléments béton de l’installation légère.  Une opération fictive où l’on ne s’est rien refusé ?

Financée par la galerie et la FIAC (dans l’espoir de retours sur investissement considérables) « la Mairie de Paris n’a pas dépensé un euro ni pour le montage ni pour la surveillance de cette œuvre Place Vendôme ».

Par extension des idées de l’inventeur du ready-made (1913-1915) revoici, paraît-il, des retournements d’objets-faits et provocateurs.– « Bien sûr que cette œuvre est polémique » et Jennifer Flay, directrice artistique de la Foire (depuis 2003), de poursuivre, l’objet « joue sur l’ambiguïté entre un arbre de Noël et un plug :  ce n’est ni une surprise ni un secret. Mais il n’y a aucune offense au public, et suffisamment d’ambiguïté pour ne pas troubler les enfants. Cette œuvre a d’ailleurs reçu toutes les autorisations nécessaires (…) ».

Mais, comment ne pas voir que, cent ans après Duchamp, les nécessités de l’hyper modernité en conflit ouvert avec les traditions ‘rétrogrades’ ou ‘conservatrices’ ont considérablement changé…

Certes, la démarche expérimentale  – originellement festive – d’un Marcel Duchamp (1887-1968) faisait partie d’une mise en crise logique du capitalisme libéral et de son programme détonnant d’individuation collective à l’échelle mondiale (prédation/aliénation). Et après !?

Avec les installations dites ‘minimales’ nous ne sommes plus au ‘bel artisanat’, c’est-à-dire dans l’exigence du bien fait, du Beau, du juste (chose méritoire et admirable), mais dans le genre du – faire le plus d’effet possible avec le moins d’énergie objective dépensée… (Or ici que d’énergie en termes de ‘trace carbone’ pour cette pièce à la Place Vendôme !).

 

Avec sa promotion manifestement planifiée, comme nous le voyons aujourd’hui, l’infrastructure matérielle et la Com ont mis les moyens… Ceci peut toujours faire illusion un certain temps (surtout dans une société où tout va très vite !). Mais observons que l’épisode du sapin gonflable/dégonflable  suivi de déclarations des autorités, et même d’une incise personnalisée de François Hollande :  – « La France sera toujours aux côtés des artistes comme je le suis aux côtés de Paul McCarthy, qui a été finalement souillé dans son œuvre, quel que soit le regard que l'on pouvait porter sur elle »  paraît être grave, importante, un emblème… Et ne fait pas rire du tout !

Sur de telles pièces conçues il y a cent ans et plus déjà par l’artiste Marcel Duchamp, « l’homme le plus intelligent du siècle » (selon André Breton au début du XXème), crées avant tout avec un humour corrosif (Dada) du « genre blague d’étudiant » (me disait Raymond Mason, en témoin), il en allait tout autrement… – Des objets fictifs étaient détournés, retournés pour l’effet !,  donc essentiellement conceptualisés pour provoquer de l’hilarité !  Et, avant tout il en allait d'une question de ‘regard cultivé’...  d'une logique du scandale qui était fondamentalement réservée non à des choses (sans qualité), mais bien aux œuvres d’art... (incarnation des débats de l’esprit ?).

Or ici, au côté d'un gigantesque ‘emballage de Champagne’ de grandes marques faisant de l'ombre, objectivement, n’étions-nous pas dans une futilité insoutenable ? Les images virtuelles de l’installation qui ont paru dans la presse (cf. Journal des Arts du 17 octobre) et circulent encore sur le Net, sont inexactes quant à la force de la matérialisation concrète.

Par ailleurs, qui ne dirait en observant avec quelques approches « réalistes », par exemple en terme de ‘développement durable’, que les enjeux fondamentaux ont changé ?  Et que les modèles de pensées de l’art contemporain se révèlent ici en obsolescence naturelle ?

Depuis la modernité, siècle après siècle, génération après génération, les artistes visuels remettent en cause les mentalités pour leur manque d’authenticité vécue.  Or nous sommes ici sur la Place Vendôme.  Allons encore plus loin, jusqu’à l’ardeur première  et révolutionnaire d’un Gustave Courbet en ce même lieu et place !

La Ville de Paris et le Comité Vendôme ont reconstitué autour du quadrilatère (en restauration) une illustration éloquente des événements qui vont, de l’idée lancée par Courbet – le plus peintre des peintres –  à la chute de la Colonne  lors de La Commune de Paris (en 1871). Socle d’une autre authenticité que celle de la démarche ‘légère’ du gonflement/ dégonflement d’une installation d’art contemporain ?! 

Il est tout à fait remarquable – dans le cas de cet artiste américain (acteur qui occulte tout autre par son 'duchampisme' !) – qu’on mette en avant, suspendu, et comme en lévitation par la Com 2014, non son ‘machin vert’ (obscène ?), mais son ‘martyr’ manifestement monté en épingle !...

Le consistoire de la FIAC est à la manœuvre... Par exemple, il est écrit sur Free actualité : « L'agression de Paul McCarthy, puis la destruction de son œuvre (…) ». Alors qu'ailleurs, on sait parfaitement qu'il n'y a eu que : le fait de couper le fil électrique d'alimentation de la soufflerie du machin... Dans le journal Le Monde (du 17 oct. 2014), sous la plume de Emmanuelle Jardonnet, la version ‘vraie’ est déjà plus objective.

Toutefois, sous « PARIS HUMILIÉ ! » on peut lire ceci : « Il est alors presque 14 heures, et Paul McCarthy est agressé par un homme qui le frappe trois fois au visage en hurlant qu’il n’est pas français et que son œuvre n’a rien à faire sur cette place, avant de partir en courant. Les personnes qui assistent à la scène sont sidérées.  ‘Cela arrive souvent ce genre de chose en France… ?’  nous demande l’artiste, choqué et déstabilisé… »

Mais, en l’occurrence, une affirmation de non violence présente est soulignée. Jennifer Flay en témoigne ainsi :

« C’est navrant que quiconque se permette d’agresser un artiste. Moi qui suis Néo-Zélandaise et Française, qui ai choisi ce pays, je suis gênée pour la France, même si je sais qu’elle n’incarne pas les idées de cette personne ». Et plus tard, dans un communiqué (diffusé en fin de journée du samedi 25 octobre) :  «Devant la violence de certaines réactions, l’artiste s’inquiète de potentiels débordements lors du remontage de l’œuvre ».

Habilement sans doute, il n’est pas fait mention d’un dépôt de ‘plainte contre X’ ( ! ).  « Paul McCarthy indique ne pas vouloir ‘être mêlé à ce type de confrontation et à la violence physique’  ou même continuer à faire prendre des risques à cette œuvre».

 

Dans un art où tout, ou presque tout, provient de provocations, d’outrances remarquables, de violence morale ?! revenons sur les réactions ‘dérangées’ dites : « d’une mouvance catholique traditionaliste française ».

Elle est tout aussi inexcusable, certes !

Concepteur/fondateur des gestes minimaux...  de l’art de la tautologie qui triomphe à la FIAC (depuis peu), Marcel Duchamp a été fait Pape du XXème artistique (dans la seconde moitié du siècle).  – Temps effroyables où partout dans le monde se sont révélées l’émergence, les similitudes, et les confrontations des grands dictateurs innommables !

Par exemple, dans le domaine des Beaux-Arts, voici des propos saillants :  « Il faudrait une dictature totale… Une dictature de peintres… La dictature d’un peintre… pour supprimer les objets de tromperie, pour supprimer les habitudes, pour supprimer le charme, pour supprimer l’histoire, pour supprimer un tas de choses encore.  Mais le bon sens l’emportera toujours. On devrait surtout faire une révolution contre lui ! » (CAHIERS de L’ART, 1935).

Comment répliquer à Pablo Picasso, le colosse de tels propos, sinon en proclamant une ‘icône’ nouvelle, tel Marcel Duchamp ?  D’où cette cohorte d’épigones, de clercs et même 'd'évêques matérialistes' qui s’efforcent de faire perdurer les choses cathodiques, jusqu’à la proclamation annuelle d’un prix Duchamp à la FIAC. Mais dès lors, cette religion centenaire n’est elle pas devenue hégémonique et despotique ?

 

Il est dit que l’on ricane (depuis l’étranger) à propos de la montée en puissance de l’intolérance, donc d'un extrémisme de la 'manif pour tous' en France !   – Or, qui dit qu’aux USA par exemple, des prêcheurs de mouvance ‘Evangélique’ devant des ‘Sex-Sapins?’ installés sur leur place de l'excellence (devant l'église) ne soutiendraient pas que:  Marcel Duchamp, ses évêques et ses successeurs, sont des suppôts de l’Antéchrist… !?

Certes, les intégristes ou les fondamentalistes de tous poils ont le vent en poupe... et menacent le sens critique, donc une certaine conception de la personne humaine (souvent portée par des artistes écorchés tels Gustave Courbet, Cézanne, Van Gogh, etc. !).  Mais n’y a-t-il pas la même différence entre le Christ et le christianisme qu’entre Duchamp et le ‘duchampisme’ ?

J’ai appris à aimer Duchamp, comme Courbet et les autres... Mais ceux-ci se reconnaîtraient-ils dans ces installations vulgaires du 'duchampisme' dont le dernier avatar en Place Vendôme est assurément étranger aux ferments de l’authenticité artistique !?

En l’occurrence, l’occasion nous est donnée de parler de ce « grand ballotté de la gloire », Gustave Courbet (1819-1877)  ‘le plus peintre des peintres’ !  Imaginons l’exigence de poser le pinceau et s’en prendre à la Colonne Vendôme pour déboulonner l’autorité impériale d’un Napoléon…

A ma connaissance (c'était pourtant circonstancié!) personne, ici, ne semble avoir relevé qu’autour de la fameuse colonne s’est joué l’un des Actes révolutionnaires du socialisme pour lequel Gustave Courbet a  payé de sa liberté, de sa santé, avant de s'exiler  en Suisse (de 1873 à sa mort).

André Chamson souligne dans son hommage de référence dans LES PEINTRES CÉLÈBRES (éd d’art, Lucien Mazenod, 1948):  « Courbet a introduit dans la peinture française, la primauté de la peinture elle-même. (…) c’est-à-dire, la primauté du moyen employé par une volonté créatrice ».

Proclamation officielle sous La Commune de Paris faisant suite à l’engagement total d’un artiste pour la ‘conservation des musées nationaux et des objets d’art’.

Après un séjour à la prison de Sainte Pélagie (de septembre à décembre 1871), Courbet a vu ses biens saisis pour reconstruire la colonne et meurt à la veille de la première échéance de la dette ‘exigée’ (par la IIIème République) ;  néanmoins il a trouvé la force, malgré les procès, de faire émerger de son vécu toujours ardent un ensemble de peintures…

Et c’est cette œuvre qui nous est révélée actuellement au musée Rath à Genève (jusqu’au 4 janvier 2015). La lune froide ne peut éclipser longtemps le soleil de l'Art ! L’exposition est tout à fait magistrale  – réunissant plus de soixante-dix toiles crées essentiellement en Suisse  –  et, dans ma vie, elle est la plus étonnante que j'ai pu goûter.

Après trois bonnes heures je l'ai quittée à regret avec l'intention d'y revenir. Je ne pourrais qu’en parler dans un prochain billet !